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de Garneau, à l’instant où l’Angleterre met en pratique, à l’égard de l’Irlande, exactement les mêmes méthodes que, sous Louis XVI, en face des Canadiens français ? Elle a fléchi là où elle sentait des résistances résolues, au moment où des dangers évidents lui conseillaient de concentrer ses forces sur d’autres points directement menacés ; elle a dû certainement à cette intelligente conciliation, d’abord de se maintenir dans l’Amérique du Nord, malgré l’affranchissement de ses vieilles colonies, ensuite de conserver sur ce continent toutes les facultés de croissance d’un futur Dominion, présentement l’un des piliers de l’Empire britannique contemporain.

Par l’Acte fondamental de Québec (1774), les lois françaises, un instant abolies, étaient rétablies en Canada ; les Canadiens étaient placés, pour leurs droits politiques, sur le plan d’une entière égalité avec les Anglais eux-mêmes. Il y eut de ceux-ci, fonctionnaires envoyés de Londres et marchands plus ou moins temporairement immigrés, des protestations réitérées ; non pas pendant la guerre d’Amérique qui imposait à tous des devoirs immédiats, mais peu d’années après. Le Gouvernement central eut la sagesse de tenir bon ; il y était invité par l’attitude correcte et très franche des Canadiens français, qui n’auraient point admis un régime hostile à leur nationalité. Aussi arriva-t-il que les nouveaux venus d’Angleterre, ainsi que les royalistes, réfractaires à la République, des anciennes colonies, se rassemblèrent au delà du territoire propre des Canadiens français, plus à l’Ouest, vers les grands lacs ; c’est l’origine de la province dite du Haut-Canada ou d’Ontario, dont la capitale, Toronto, est issue d’une bourgade fondée en 1795. En 1791, une constitution parlementaire est accordée à chacune des deux provinces du Haut et du Bas-Canada ; leurs assemblées, dont une élue, auront le droit de taxer les habitants pour les travaux publics, les écoles, etc. . Québec, chef-lieu du Bas-Canada, compte alors un peu moins de dix mille habitants ; le Parlement du Haut-Canada siège d’abord à Newark (Niagara), et passe à Toronto en 1797. Le dessin du Canada moderne est ainsi tracé.

La Révolution française n’a pas su se rendre populaire aux Etats-Unis, où le sentiment national est presque naïvement revêche devant toute doctrine d’importation ; les maladresses de quelques agents de la Convention confirmèrent par contre-coup