Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/723

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’approche des Dardanelles et du Bosphore ; bientôt, elle verra, en face d’elle, les minarets et les tours de Stamboul ; ses chefs auront-ils longtemps assez de prestige et d’autorité pour l’arrêter sur la ligne mal déterminée de la zone neutre ? On n’imposera aux Turcs un armistice que si on leur donne des garanties que leurs revendications essentielles, inscrites dans le pacte national, seront satisfaites, qu’ils obtiendront, avec la pleine souveraineté de Constantinople, la ligne de la Maritza, c’est-à-dire la Thrace orientale avec Andrinople. La diplomatie française met en œuvre toute son influence pour obtenir de Mustapha Kemal le respect de la zone neutre ; mais il ne manque pas, autour du chef victorieux, d’ambitions impatientes qui déjà lui reprochent de ne pas profiter de l’élan de la victoire pour emporter tous les obstacles et entrer dans Constantinople. Est-il bien sûr qu’il soit impossible de franchir le Bosphore, malgré la présence de la flotte anglaise ? Il convient, de suite, de rassurer Mustapha Kemal sur les intentions des Alliés, particulièrement de l’Angleterre, et de proposer dès maintenant une base territoriale raisonnable pour la paix.

Telles furent en substance les raisons de M. Poincaré qu’appuya le comte Sforza. Lord Curzon demanda à consulter son Gouvernement ; une nouvelle conférence aurait lieu le 22 et, au besoin, le 23. Dès le 21, le ton d’une partie de la presse britannique se modifie ; on parait renoncer à faire, même de l’occupation de la rive asiatique par les Turcs, un casus belli ; on se sert de formules plus vagues : « défendre les Détroits. » Et peu à peu on sent, sous la fixité des mots, le sens évoluer ; sous les plumes anglaises, « liberté des Détroits » se rapproche de plus en plus de la signification française, italienne et turque. A l’issue de la Conférence du samedi 23, on apprend avec satisfaction que les représentants des trois Gouvernements alliés sont arrivés à un accord dont la presse publie les termes. Les trois Gouvernements alliés invitent celui de la grande Assemblée nationale à une conférence qui se réunira le plus tôt possible pour négocier et conclure la paix entre la Turquie, la Grèce et les Puissances alliées. La Turquie récupérerait la Thrace jusqu’à la Maritza et Andrinople à la condition que, pendant les pourparlers, l’armée turque respectera la zone neutre ; des mesures seraient prises pour « assurer efficacement, sous les auspices de la Société des nations, la liberté des Dardanelles, de la mer de Marmara et du Bosphore, ainsi que la protection des minorités de race et de religion. « Les troupes alliées seraient retirées de Constantinople. La Turquie serait admise