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LETTRES À H. TAINE
ET À SA FAMILLE [1]
(1884-1909)

La correspondance que nous publions et dont nous devons communication à l’obligeance de M. L. Paul-Dubois, est adressée en majeure partie à Madame H. Taine et à sa fille, Madame L. Paul-Dubois ; nous n’avons retrouvé qu’un très petit nombre de lettres de mon père adressées à l’auteur des Origines de la France contemporaine. Dès 1883, la vie de Paris les avait réunis. L’auteur du Roman russe fit la connaissance de Taine le 18 mars 1883, chez Gaston Paris, à l’une de ces réunions du dimanche qui étaient une des plus charmantes manifestations de la vie intellectuelle à Paris ; les hommes et les idées se rencontraient chaque semaine chez le spirituel causeur qui savait altérer les talents les plus divers dans un cénacle où la conversation glissait des plus graves problèmes aux plus légères distractions de l’esprit.

Le 20 mars 1883, mon père notait dans son Journal : « Été voir Taine et longuement causé. Enfin ! un vrai grand homme, doux, modeste et puissant. Il y a quelque chose d’auguste dans ce corps brisé par le travail, dans cette figure fine et méditative. J’éprouve devant lui une sorte de respect particulier et délicieux que je n’ai éprouvé ni devant les rois, ni devant les ministres, ni surtout devant ses confrères, les écrivains en renom... On sent que toute cette âme ne vit que pour la vérité, qu’il la cherche sans un compromis, sans un intérêt personnel. Et bienveillant et attentif aux idées des autres. Conseiller indulgent et chaleureux. Bonne rencontre qui réconcilie avec les grands hommes et avec les hommes ! »

Mon père a transcrit et développé celle impression dans l’émouvant article que publia le Journal des Débats, au lendemain de la mort de Taine. « Près de son lit de mort, je retrouve et me rappelle

  1. Copyright by Ramond de Vogué, 1922.