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des vols de papier-sapèques, entre les écriteaux et les écharpes, énorme, glorieux, triomphal, écrasant sa chiourme de porteurs, apparaît enfin le cercueil, sous sa housse de drap rutilante. Puis il n’y a plus qu’une dernière monnaie de détails, des enfants encore, des piquets reliés par des toiles jaunes, des chaises, des charrettes tendues de blanc.


J’ai assisté ce matin à la distribution des prix, au collège des Maristes. Il y avait là près de quatre cents élèves. Un petit divertissement précédait la lecture du palmarès ; le programme annonçait des fables de La Fontaine, quelques scènes de Molière, et, tout en me réjouissant que, grâce au zèle des Frères, notre meilleure langue arrivât jusqu’ici, j’avoue que je m’étais attendu à ces récitations un peu mornes dont les élèves s’acquittent comme d’un devoir. Que je me trompais ! Rien n’était comparable au plaisir des auditeurs, sinon celui des acteurs eux-mêmes. Le : Qu’allait-il faire dans cette galère ? suscita des rires inextinguibles. Pas un trait n’était perdu. On reconnaissait un peuple très porté à l’observation, très propre à attraper les ridicules des autres et à s’en divertir. Puis on a lu le palmarès. Ceux qui avaient remporté des prix venaient les recevoir, et je me souviens particulièrement de l’un d’eux, un garçon de quatorze ans, que les Frères me signalaient comme un de leurs élèves les plus remarquables. Il est impossible d’avoir meilleur air, ni de recevoir les compliments avec plus de bienséance qu’il ne faisait. Il était d’une figure si prévenante qu’on ne pouvait s’empêcher de souhaiter que cet écolier fût vraiment admis un jour à ces fêtes du savoir et de la sagesse où s’ennoblissent pareillement les hommes des races les plus différentes. En le regardant sourire, j’apprenais ce qu’est la grâce chinoise, non point celle d’une nature, d’une race et d’un climat, mais la grâce acquise, et parfois exquise, d’une civilisation, d’une politesse et d’une culture.


Abel Bonnard