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canons, qu’à midi nous étions dans les rues de Dresde sans pouvoir déboucher dans la plaine. La pluie était aussi forte que la veille. Les détonations d’une immense artillerie nous assourdissaient. Enfin, nous arrivâmes sur le champ de bataille et nous fûmes mis en ligne, mais déjà la victoire était restée à nos aigles : ce qui restait à faire se réduisait à profiter de cet éclatant succès. On poursuivit un peu l’ennemi ; le terrain était trop détrempé pour qu’on pût avancer assez vite et lui faire beaucoup de mal : la nuit arriva quand l’action s’engageait avec notre division.

Au bivouac dans la boue et sur le champ de bataille.

28 août. — A la poursuite de l’ennemi dès le jour. Nous l’abordâmes plusieurs fois, mais sans engagement sérieux : il ne tenait pas. Sur les dernières hauteurs qui entourent Dresde, le général m’envoya fouiller un village que nous laissions à notre droite dans la vallée de Plauen, où on lui avait dit qu’il y avait beaucoup d’Autrichiens. Je m’y rendis avec ma compagnie, appuyée par celle des grenadiers, qui devait rester en réserve. Sur la hauteur, après un échange insignifiant de quelques coups de fusil, je fis plus de cinq cent cinquante prisonniers qui se rendirent plutôt qu’ils ne se défendirent. D’après leurs dires, je pouvais en faire trois à quatre mille en continuant ma course dans le fond de la vallée, et y trouver même beaucoup de canons et de bagages, mais je reçus l’ordre de rentrer, le corps d’armée devant se porter plus à gauche, où l’arrière-garde russe s’obstinait à défendre un défilé difficile. En effet, la résistance fut opiniâtre et ne cessa qu’avec le jour.

Nous bivouaquâmes de l’autre côté de la grande forêt et près de la petite ville de Dippoldwalde, dans la vallée de Plauen. En général, les Autrichiens ne faisaient aucune résistance, mais les Russes étaient plus opiniâtres que jamais. La bataille de Dresde avait détruit l’armée autrichienne, mais fort peu entamé les autres alliés.

Je n’eus que deux hommes blessés dans cette journée, où nous apprîmes dès le matin la mort du général Moreau qui était venu se faire tuer dans les rangs de l’armée russe. Ce fut une punition du ciel.