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Canova et comparait l’Amour et Psyché couches à un moulin à vent rococo), ou bien ceux qui, plus récemment, au lendemain de la mort du sculpteur italien, exaltaient, à ses dépens, Thorwaldsen, Flaxman et même Danneker... C’était une des prétentions de ces docteurs d’avoir découvert et de détenir le secret de la Beauté antique d’où ils avaient extrait dans leurs alambics spéciaux la formule du « Beau absolu, » de la révéler à l’univers et de l’enseigner aux artistes :


Der deutschen Künstler Vaterland
Ist Griechenland, ist Griechenland


était alors un refrain populaire dans les ateliers d’outre-Rhin.

Peut-être Stendhal se souvenait-il aussi de certaines discussions jadis notées par lui, où il avait entendu soutenir par Vivant Denon que Canova ne savait pas dessiner. Reproche assurément injuste aux yeux de quiconque a eu l’occasion de feuilleter la collection si variée et si riche des dessins conservés dans la Raccolta Canoviana du Museo Civico de Bassano. Il est vrai que Vivant Denon avait pu craindre un moment de voir Canova appelé, à sa place, à la direction des musées impériaux !... On ose à peine introduire parmi les « pédants » honnis par Stendhal, J. Dominique Ingres, qui comptait non point parmi les « insulteurs, » mais parmi les « opposants. » C’était, il est vrai, au temps où Ingres lui-même était mis à l’index, sévèrement réprimandé, à chacun de ses envois de Rome, par l’Institut impérial comme « gothique » et accusé de vouloir remettre en honneur la manière « ridicule » des Primitifs...

Il n’est en tout cas plus question aujourd’hui, — s’il le fut jamais, — d’insulter Canova ! Il ne s’agit que de le « situer » dans l’histoire de l’art, à un moment critique et assez ingrat de cette histoire, et, s’il a vraiment « inventé » une Beauté, d’essayer de définir comment et laquelle. L’occasion, qu’on n’aurait peut-être pas fait naître, s’offre d’elle-même : l’Italie, au moment où ces lignes paraissent, célèbre le premier centenaire de sa mort (13 octobre 1822).


A l’extrémité orientale de la province de Trévise, blotti contre les derniers contreforts des Alpes au pied du majestueux Monte Grappa, le petit village de Possagno a pavoisé ses rustiques