Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/932

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par l’impôt, et autres inventions de « ces Italiens ; » puis, au-dessus du peuple, décrire les « gentilshommes, » les bourgeois et demi-bourgeois, les enrichis et les parvenus, les débris de la noblesse mourante au fond de ses palais délabrés, çà et là quelques aperçus du théâtre et des coulisses avec leurs types de déclassés et de comédiens, enfin le clergé, les intrigues des affaires et de la politique, telle est la matière qui remplit les huit ou dix volumes qui font la gloire de Verga, dans sa période réaliste, lorsqu’il eut renoncé aux sujets romanesques, pour découvrir les ressources que lui offraient les scènes de la vie de province. Verga est ainsi, en Italie, l’un des initiateurs de la littérature régionale : il a devancé Fogazzaro, le peintre de Vicence, comme les romans napolitains de Mme Serao, ou Mme Deledda avec ses romans sardes. De tous ces beaux talents, qui honorent l’Italie, il demeure le premier, et aussi le plus grand.

J’ai dit ce qu’il devait lui-même à nos « naturalistes. » Mais son art diffère du leur par plus d’un trait, et l’auteur sicilien s’est montré en cela un élève fort indépendant. C’est sans doute ce que la critique italienne a voulu exprimer en distinguant du naturalisme de Zola, ce qu’elle appelle le vérisme. En réalité, cette nuance n’est qu’une subtilité, et Verga n’y attachait pour sa part aucune importance. « Ce ne sont que des mots ! » disait-il. « Le vérisme ! disait-il encore : je préfère la vérité. » Le fait est qu’entre ces divers « ismes contemporains, » pour reprendre le mot de Capuana, il n’avait cure de choisir. Il était beaucoup plus artiste que théoricien, et se fiait moins là-dessus aux doctrines qu’à son goût.

Par exemple, il n’a jamais eu l’idée d’écrire au nom de la science, ni que ce pût être pour un roman un titre de noblesse, que de se dire « expérimental. » Il lui répugnait d’employer dans une œuvre d’art le vocabulaire de la psychologie ou de la pathologie. Il écarte jusqu’au mot de « document humain, » comme prétentieux et pédantesque. , II croyait que la littérature n’avait rien à gagner à prendre les oripeaux du langage scientifique, et à vouloir se donner pour ce qu’elle n’est pas. Zola, qui avait vu Verga, dans ce voyage mémorable où il passa Quinze jours à Rome pour se « documenter, » en était tout scandalisé, et ne reconnaissait pas le « disciple » qu’on lui avait promis : il lui reprochait de n’avoir pas « des théories bien arrêtées... »