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Commissaires alliés pour s’entendre avec eux sur la zone neutre ; il consent à retirer « légèrement » ses troupes pour qu’elles ne soient plus au contact des Anglais, mais il semble y mettre comme condition que les Anglais évacueront Tchanak. On sent qu’il ne veut pas de conflit, mais qu’en bon Oriental, il cherche à marchander et à tirer tous les avantages qu’il peut. Le 4, il se rend à Angora où l’Assemblée nationale réunie l’acclame ; il obtient d’elle qu’elle accepte les principes posés à Paris le 23 septembre ; elle enverra des plénipotentiaires à une Conférence pour la paix et cessera la guerre, mais elle y met certaines conditions difficilement acceptables.

La Conférence de Moudania s’ouvre le 3 ; les Alliés y sont représentés par les généraux Harington, Charpy et Mombelli, les Turcs par Ismet pacha ; le désir d’arriver à un accord est manifeste. Mais à Londres prévalent des conceptions théoriques irréalisables ; on souhaite qu’il n’y eût, avant la Conférence pour la paix, aucun mouvement militaire dans la zone neutre, et qu’il ne se produisit en Europe aucun mouvement kémaliste : c’est vouloir immobiliser la vie, stabiliser le mouvement. La présence à Londres de M. Venizélos inquiète les Turcs ; instruits par l’expérience des autres, ils sont résolus à prendre toutes leurs garanties et, dans l’armistice qu’ils négocient à Moudania, à insérer tous les avantages essentiels qu’ils entendent obtenir dans le traité de paix. De là des difficultés qui, le 6, provoquent en Occident une nouvelle alarme. On apprend à Londres, dans la matinée, qu’Ismet pacha a présenté à ses collègues une note par laquelle il exige une réponse immédiate au sujet de la Thrace et de son évacuation par les Grecs ; s’il n’a pas satisfaction, l’armée reprendra sa marche. On croit savoir de plus que les généraux Charpy et Mombelli, représentant la France et l’Italie, ont fait aux Turcs, à l’instigation de M. Franklin-Bouillon, qui, dans son zèle, aurait outrepassé son rôle et ses instructions, des concessions précipitées. Lord Curzon part brusquement pour Paris. Vient-il y chercher un appui pour sa propre politique de paix, ou y apporter quelque résolution dangereuse déjà arrêtée par le Cabinet de Londres ? Il confère avec M. Poincaré de vingt-trois heures à deux heures du matin, en présence de M. Galli, chargé d’affaires d’Italie ; le 7, dans la matinée et l’après-midi, nouvelles conférences, dans lesquelles l’accord s’établit.

En voici les bases : les Alliés ne relèveront, dans la réponse d’Angora à la note du 23 septembre, que les points précis qu’elle aborde ; la Conférence pour la paix aura lieu vers le 1er novembre non à Smyrne, comme le demandaient les Turcs, mais à Scutari ou à