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des Jésuites jugeait « propre » pour « la Compagnie » le jeune écolier destiné à la cléricature, et le sollicitait d’y entrer, est-ce qu’il contrecarra avec vivacité ces avances ? Et, s’il s’y opposa, comme il semble, fut-ce par une antipathie contre les Jésuites, ou simplement, ainsi que Le Dieu le dit, par le désir confiant qu’un neveu si bien doué cherchât dans l’Eglise séculière une carrière plus digne de ses talents ? En tout cas, l’action de Claude Bossuet d’Aiserey sur Jacques Bénigne est sûre.

C’est même la seule sûre, la seule que les textes nous permettent de constater en des aveux de l’intéressé. On a voulu, en ce qui concerne les autres parents prochains de Bossuet, suppléer à l’absence de témoignages directs d’eux ou de lui-même. On a interrogé ses Sermons qui, assurément, en de certains cas, renseignent sur lui malgré lui-même, et qui, parfois, en effet, sous la forme d’idées générales, sont, en quelque sorte, des expansions dissimulées...

Que dit Bossuet, prédicateur, de la vie de famille ? Qu’elle est bonne et douce et que c’est un des bienfaits du plan divin : ce qu’il ne pouvait pas ne pas en dire.

Que dit-il sur les mères ? Qu’elles aiment leurs enfants plus qu’elles-mêmes, jusqu’à souffrir pour eux ; bien plus, jusqu’à souffrir avec eux de ce qu’en réalité ils souffrent seuls... Et sur cette idée-là sans doute, il insiste et il est touchant. Mais s’il insiste, c’est parce que cette idée s’indique pour nourrir les sermons sur la Compassion de la Vierge, où l’orateur catholique veut apitoyer les fidèles en leur représentant l’étrange peine de la Mater dolorosa. Et s’il est touchant, il l’est avec saint Augustin qu’il cite et qu’il traduit. Prenons garde de louer sainte Monique en voulant conjecturer Mme Bossuet [1].

Et sur les pères et l’amour paternel, comment Bossuet, s’il n’en dit rien partout ailleurs, parle-t-il dans la chaire ? Il dit qu’à « s’appetisser à leurs enfants » ils ont plaisir ; il nous peint, non sans charme, un avocat, rentré chez lui, « déposant cette éloquence qui l’a fait admirer au barreau pour prendre avec son fils, encore tout petit, un langage à sa portée [2]. » Et l’on pourrait croire qu’il doit ce joli tableau d’intimité à ses souvenirs

  1. Sermon de 1658 ou 1659 (peut-être à Metz) Sur la Compassion de la Vierge (Stabat autem juxta crucem...).
  2. Sermon de 1656 (2 juillet), prêché au collège des Godrans à Dijon (Intravit Maria in domum Zachariæ).