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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/586

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nous contemplons avec horreur un bandit en veste rouge et en pantalon vert, qui vise une pauvre femme éperdue : et nous voyons tout à la fois la balle qui sort du fusil, le sang qui coule sur le visage et sur le corps de la femme, et l’incendie qui dévore toute la maison.


LA CHANSON NAPOLITAINE

Pourquoi, s’étaient dit les Allemands, qui avaient mis la main sur tout ce qu’il était humainement possible de prendre, pourquoi ne pas tirer meilleur parti d’un produit que les habitants du pays gaspillent encore ? Ils n’ont pas même l’air d’en connaître la valeur. Comme la bergamote, le citron, ou l’amande, la chanson napolitaine est un fruit de leur sol heureux ; exploitons-la. Ces cigales chantent tout l’été : profitons d’elles. Recueillons les refrains qu’on jette au vent du soir, du Pausilippe au Vomero. Assurons-nous une production régulière, suivant les meilleures méthodes commerciales : nous nous chargerons de l’écouler sur les marchés de l’Europe. Le bénéfice n’en sera pas méprisable et nous l’encaisserons.

Ainsi dit, ainsi fait : les idées géniales veulent être appliquées sans retard. Le Polyphon Musikwerk, pour débiter industriellement la chanson, fit le trust des chansonniers ; mandolines, voix et talents, entrèrent au service d’une maison de phonographes de Leipzig. Grâce au ciel, ces poètes fantaisistes qui se permettaient de ne chanter qu’à leurs heures, qui se donnaient le luxe d’attendre je ne sais quelle inspiration venue du ciel, deviendraient des commis rétribués ; si besoin en était, on les ferait travailler aux pièces ; et ce serait, une fois de plus, le triomphe de l’organisation.

Il ne restait plus qu’à voir venir les résultats. Ils vinrent, en effet, et détestables. Non pas que les chansonniers fussent insensibles au plaisir de toucher de belles espèces sonnantes, eu échange d’un effort qui leur pesait peu, mais c’étaient les chansons qui étaient décourageantes ; elles se ressemblaient comme des sœurs ; elles disaient toutes la même chose, sur des airs qui donnaient l’impression d’avoir été maintes fois entendus ; une banalité décidée devint la marque de fabrique de cette admirable entreprise. Bientôt il y eut des dissidents parmi les compositeurs ; fait curieux, ceux qui reprenaient leur liberté étaient précisément les meilleurs. Les Allemands n’y comprenaient