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LE LIVRE DE RAISON

IV [1]


VIII. — HYBRIDES.


Octobre 1922.

L’année agricole touche à sa fin. Nous semons nos blés sous un ciel profond d’automne qui, dégagé de toute vibration de chaleur, parait plus lumineux et plus spacieux. Il vente de l’Est : un souffle qui arrive des pays sablonneux, à travers la Méditerranée étincelante, et qui maintient la terre verte et feuillue comme à son épanouissement. Tiède tout le jour, il fraîchit le soir trempé de rosée, quand il tombe, apportant avec lui le chant des cloches dépassées en chemin, de celles de Magnan en particulier, en vedette sur sa crête... Les semailles faites, nous ramasserons les maïs qui achèvent de sécher, dont les enveloppes, en craquant, prennent une forme de conque allongée, signe de la maturité complète de la plante, et ce sera le dernier travail, le dernier soin matériel. Resteront les labeurs de l’esprit, les préoccupations, les prévisions. Car il faut toujours préparer aux champs, ordonner dans le temps et l’espace, créer des ressources pour subvenir aux dépenses, subvenir à la vie ; il faut organiser l’avenir. Notre souci constant est notre vigne, arbre fidèle, de qui nous tenons aisance et repos, qui ne cesse d’être en hasard. Et, quand le vin manque chez nous, l’équilibre de nos affaires est rompu. D’autant plus qu’il se mue en un produit unique, l’armagnac, de vente rémunératrice et soutenue. Non pointeau de feu, pareille à l’alcool consumant ou stupéfiant d’industrie,

  1. Voyez la Revue des 15 mars, 15 juin et 15 septembre.