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calcaire surtout, où presque tous périclitaient. Certains terrains, en outre, dits « phylloxérants, » c’est-à-dire plus propices que d’autres à la multiplication de la bête, mirent le cep à la fois en présence d’ennemis en nombre écrasant et d’éléments fonciers indigestes. Il fut là décidément condamné. On marqua le pas. Et puis, le greffon restant toujours hors de cause, à force d’expérimenter, de tâter les terrains, de classer les résultats, on constata que certains de ces porte-greffes tenaient plus que d’autres, qui dans le sable, qui dans les cailloux, le sol sec et léger, le sol compact et humide, dans le calcaire enfin, et on se mit à les sélectionner, dans le dessein de les croiser entre eux. On hybrida les sujets résistants, américain sur américain, et on obtint de type en type des individus, puis des séries d’individus qui s’adaptaient aux différents sols, y vivaient, avec l’exubérance originelle. On était au bout. Il suffisait, en effet, de connaître la composition de son fonds pour lui confier en sécurité sa vigne future, le plant assuré d’en assimiler la substance... Et les verres recommencèrent à se choquer, au poing des hommes, emplis du suc des premières grappes foulées que l’on goûtait, en buvant à la résurrection de l’arbre capiteux et délectable. Et la guirlande des pampres dentelés, étoiles de fruits d’or et de pourpre, se noua de nouveau et se prit à courir, sous la courbe du ciel, de coteau en coteau, et les flots illustres : bourguignon, champenois, girondin, provençal, gascon, ruisselèrent des hauteurs, tout parfumés comme jadis, coulées de richesse et de liesse, eux que l’on avait cru taris !... On respira...

J’ai écrit plus haut un mot, le mot : « hybrida, » qu’il importe de souligner. Parce que l’hybridation amena un changement capital dans l’application de la méthode botanique, et fut une véritable création humaine. Par elle, en effet, on appela à la vie végétale un être qui n’était pas encore, on pétrit, on façonna un cep inconnu, comme si on avait informé du limon aussi, et puis soufflé dessus... On le sait, le greffage ne laisse pas sortir de l’espèce. Et jusque-là on n’avait que greffé. Cette lumineuse idée, née au moment de l’adaptation au sol, ouvrit des perspectives peut-être illimitées à la défense et à la reconstitution de la vigne.

Elle surgit à point... A peine les premières vendanges faites, les premiers plants reconstitués récoltés, les cryptogames sévirent. Deux surtout : le mildiou et le blackrot qui desséchaient,