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brûlaient et pourrissaient feuilles et fruits. Ils se déchaînaient de compagnie. Un hasard fit trouver le remède. Un garde-barrière bordelais, dont les gamins des environs pillaient les treilles, voulut en dégoûter ses voleurs, et couvrit les grappes, les aspergea d’une solution de sulfate de cuivre, pensant ainsi les rendre indigestes. Or, seules dans la contrée dévastée par les champignons, ces treilles gardèrent leurs feuilles, et avec celles-ci, du même coup, leurs fruits. De là le traitement par la bouillie bordelaise ; car encore ici, on débuta par la méthode médicale. Seulement, le remède, en vogue toujours, n’est que préventif. Il n’opère que pulvérisé à temps, avant l’invasion, à doses déterminées, et appliqué sept et huit fois ou plus, de l’apparition de la feuille à la maturité du fruit. Il laisse à la merci d’une intempérie qui retarde ou annihile le traitement, d’une erreur d’observation, à la merci, certaines années particulièrement brumeuses ou pluvieuses, du mal lui-même qui emporte sous le sel le plus clair de la récolte. De plus, il coûte cher, et d’application et d’achat. Et que, le fléau même combattu, une gelée, une grêle survienne, ajoutant son déchet aux débours qu’il occasionne, on ne couvre point ses frais... Par une heureuse fortune, due aussi à un hasard, concurremment, les botanistes prirent part à leur tour à la lutte. En hybridant leurs sujets pour les assoler, ils s’aperçurent que certains d’entre eux laissés sans soins contre les cryptogames (puisqu’ils n’étaient point étudiés pour leur résister), gardaient des feuilles et des fruits, ces rares raisins que j’ai signalés, au plus fort de l’épreuve. Était-ce densité du parenchyme, du tissu de la feuille, poli et dureté de la peau du grain, ou une réaction intime inconnue ? peu importe.

Le fait se répétait. Ce fut une flambée d’espoir, de joie aussi parmi ces chercheurs obstinés. Une exploitation insoupçonnée de la même méthode s’ouvrait à eux, leur création multipliait ses formes. Suivant d’un œil aigu autant qu’avide les progrès de la défense contre les deux terribles compagnons, s’ingéniant à croiser entre eux les individus les plus résistants pour les établir, pour les confirmer, si on peut dire, dans leur vertu, ils s’enfoncèrent d’année en année dans cette voie de l’hybridation, peuplée de leurs jalons.

Bien entendu, comme au moment de l’adaptation au sol, nous sommes en face de porte-greffes, les hybrides créés qui font