Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/887

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reconnaissent pas du tout pour bonnes les raisons que put avoir ce Théodomire, — ayant fait abattre les plus gros chênes et découvert le tombeau, — d’affirmer que là-dedans était le corps de saint Jacques ; si l’arrivée magnifique du roi Chaste suivi des puissants de sa cour, et venant s’agenouiller devant l’apôtre retrouvé ne doit nous émouvoir qu’à la façon d’un beau vitrail ou d’une chanson de gestes ; si doit être reconnu pour « un faux d’une effrayante barbarie » l’Epître du pape Léon III « Noscat fraternitas vestra » annonçant au monde chrétien la merveilleuse découverte et lue du haut de leur chaire par tous les évêques pléthoriques de foi, qu’importe ! » Entre tous les chemins essayant de conduire vers une vérité si lointaine, et qui, malgré tout, demeure confuse, n’est-il pas permis un instant de choisir le chemin qui contient les étoiles, avec les voix surnaturelles ?


Traînantes et lourdes, attendant qu’un coup de vent les enlève sur la légèreté du ciel, les brumes qui se sont formées descendent maintenant jusqu’à l’Humiliadoiro. Là-bas passait la route. De là-bas, les pèlerins apercevaient pour la première fois après un si dur, un si long voyage, les tours de l’église : ils se prosternaient alors, ils s’humiliaient...

Cette tradition évidemment ne remonte pas aux premiers temps du culte rendu à l’apôtre. Ce fut bien plus tard, deux siècles plus tard, que s’éleva l’église dont parle le Calistain : « Dans l’église sont neuf tours... et celle du milieu est des plus nobles et des plus belles qui soient... Et cette tour repose sur deux pierres aussi fortes que si elles étaient de marbre... et au dedans et au dehors elle est peinte très merveilleusement... et très bien couverte de plomb... »

Elle fut bien petite et bien modeste d’abord, l’église élevée par Alphonse le Chaste sur le tombeau retrouvé. Dès l’an 899 Alphonse III la faisait abattre pour en construire une plus belle, que devait détruire Almanzor un siècle plus tard... Et l’église aux neuf tours ne vint qu’après les ruines faites par les Sarrasins. Mais plus rapidement que la magnificence des pierres, la foi des hommes devait s’élancer vers le ciel. Trente ans après la découverte merveilleuse, dit Lopez Ferreiro, des maisons s’élevaient autour du tombeau, une ville commençait de naître, et