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hautes capacités, l’énergie, le plus complet désintéressement caractérisaient la révolution d’alors. Non, les hommes des deux temps n’ont pas de rapports, ni ne veillent les mêmes choses Les femmes mêmes, devenues des symboles, représentent bien leur parti. Madame Tallien, bonne, belle, est la colombe d’une révolution qui eut de l’éclat. La Feuchères assassinant sur un coffre-fort, est l’emblème de Philippe et de son élévation. »

Mme Hamelin fait ici allusion à un drame qui eut à cette époque un grand retentissement. Le 27 août 1830, le vieux duc de Bourbon, le dernier des Condé, avait été trouvé pendu dans sa chambre à Chantilly. Mme de Feuchères, sa maîtresse, qui avait obtenu de lui un testament en sa faveur, fut accusée de l’avoir assassiné avec l’aide de complices. Cette affaire reste. mystérieuse vint devant les tribunaux. La Cour royale de Paris déclara qu’il n’y avait pas lieu à poursuites. La mort énigmatique du Duc de Bourbon déchaîna néanmoins les passions politiques ; car le vieux prince, qui léguait une forte somme à Mme de Feuchères, instituait en même temps le Duc d’Aumale, le fils de Louis-Philippe, son principal héritier. Les ennemis de la famille d’Orléans soutinrent que d’habiles combinaisons avaient joué en l’occurrence. D’après eux, Louis-Philippe et les siens auraient circonvenu Mme de Feuchères pour qu’elle extorquât au Duc de Bourbon l’engagement de laisser sa fortune au Duc d’Aumale et, ! si ce résultat était obtenu, Mme de Feuchères ne serait nullement inquiétée pour ce qu’elle pourrait hériter du vieux prince.

Voilà ce que soutenait l’opposition et ses attaques se faisaient acharnées. Elle ne se lassait pas d’invectiver la sœur du roi, Mme Adélaïde, qu’il prenait pour Egérie et qui, prétendait-on, avait épousé secrètement le général Athalin, Contre cette coadjutrice du souverain, Mme Hamelin, elle aussi, lance des imprécations. « Le Palais-Royal, écrit-elle, est soumis à une camarilla bien autrement vive, jacasse, rapace, inepte que celle du pauvre Pavillon de Marsan. Mme Adélaïde est le seul monarque de France. Elle règne avec M. Athalin. Ça lui a pris sur le tard, mais de façon à réparer le temps perdu. Comme elle est courageuse et que le reste est poltron, ça explique d’un seul mot son immense ascendant. »

On l’a justement dit : la cocarde est une opinion qui ne tient qu’à un fil. Que de fois, dans les débuts du XIXe siècle, les