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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/113

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cas de besoin, permettrait au Gouvernement français de parler avec une singulière autorité, quand viendra l’heure de la résolution définitive.

Plater me promet de s’exprimer dans ce sens avec ses compatriotes ; mais il ne me cache pas qu’il aura de la peine à les persuader.



Vendredi, 14 avril.

Malgré les périls, la longueur et la difficulté du voyage, il ne se passe guère de semaine où je ne voie arriver quelques Français, officiers, ingénieurs, commerçants, journalistes, etc. Pour peu que leur séjour se prolonge et qu’ils aient l’esprit d’observation, ils m’expriment tous leur pénible surprise de la réserve, de la froideur même, qu’ils constatent dans les milieux libéraux à l’égard de la France.

C’est malheureusement vrai. Et, par exemple, le Retch, organe officiel des « cadets, » est l’un des journaux russes qui passent le plus volontiers sous silence nos actions militaires, qui se montrent le plus avares d’éloges pour notre armée, le plus attentifs à signaler les lenteurs ou les fautes de notre stratégie. Sauf un petit nombre d’exceptions, parmi lesquelles je citerai Milioukow, Chingarew et Maklakow, la majorité du parti ne s’est pas encore affranchie de sa vieille et tenace rancune envers l’Alliance.

Le grief date de vingt ans. La guerre de Mandchourie venait de s’achever en désastre, et, par toute la Russie, ce n’était qu’émeutes, grèves, complots, assassinats de fonctionnaires, mutineries dans la marine et dans l’armée, révoltes agraires, pillages, pogroms. De plus, le trésor de l’Empire était à sec. Un emprunt de deux milliards deux cent cinquante millions de francs fut négocié sur le marché de Paris. Pour nos banques et notre presse, l’émission était alléchante. Le Gouvernement de la République hésitait néanmoins à autoriser l’opération, car nos partis d’extrême-gauche exigeaient que le contrat d’emprunt fût soumis à la Douma, qui aurait pu ainsi dicter ses conditions au tsarisme. Le comte Witte s’y opposait naturellement, de toutes ses forces. La position du cabinet radical, présidé par M. Léon Bourgeois, était délicate. Allions-nous consolider l’absolutisme monarchique en Russie à l’aide de l’argent