français ? Dans le conflit ouvert entre le peuple russe et l’autocratisme, prendrions-nous parti pour l’oppresseur ou pour les opprimés ? Une considération, insoupçonnée de l’opinion française, détermina l’acquiescement final de nos ministres aux demandes du Gouvernement impérial. Les relations de la France et de l’Allemagne étaient mauvaises ; la convention d’Algésiras n’était qu’un armistice diplomatique. D’autre part, nous connaissions les intrigues astucieuses que l’empereur Guillaume poursuivait personnellement auprès de Nicolas II, pour lui imposer une alliance russo-allemande, à laquelle la France eût été sommée de souscrire. Était-ce le moment de rompre avec le tsarisme ? En autorisant, au mois d’avril 1906, l’émission de l’emprunt russe sur la place de Paris, le Gouvernement de la République resta fidèle au principe directeur de notre politique étrangère ; chercher dans le développement pacifique de la force russe la sauvegarde principale de notre indépendance nationale.
Parmi les démocrates de la Douma, ce fut une explosion de colère contre la France. Et leur ressentiment couve toujours.
Samedi, 15 avril.
Je fais visite à Mme Tanéïew, femme du secrétaire d’État, directeur de la Chancellerie impériale et mère de Mme Wyroubow.
Je ne l’ai pas vue depuis longtemps, quoique j’aie toujours plaisir à causer avec elle dans son vieil appartement du Palais Michel ; car ses traditions de famille l’ont enrichie de souvenirs.
Son père, l’aide de camp général Ilarion Tolstoï, vécut intimement à la cour d’Alexandre II ; son aïeul maternel, le prince Alexandre Galitzine, accompagna le grand-duc Constantin dans sa vice-royauté de Pologne. Enfin, voilà plus d’un siècle que les Tanéïew se succèdent à la direction de la Chancellerie impériale.
Elle m’a prêté récemment un journal tenu par sa grand’mère, la princesse Galitzine, pendant l’insurrection polonaise de 1830-1831. On y voit quelles illusions la Russie nourrissait alors envers la Pologne et avec quelle générosité les Russes avaient pardonné aux Polonais le crime des trois partages.
Mais ce n’est pas de la Pologne que je l’entretiens aujourd’hui :