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titre pompeux fascinent et ensorcellent. Aussi ne résistait-il pas toujours au vain plaisir de se hausser et à celui, plus grand encore, d’ajouter foi aux embellissements dont il agrémentait le récit des moindres circonstances de sa vie. Quelqu’un qui l’a bien connu disait de lui : « Il croyait profondément tout ce qu’il se racontait à lui-même. » Assez vulgaire et très naïf de nature, actif et remuant par tempérament, peut-être se jugeait-il supérieur à la destinée médiocre qui paraissait lui être réservée ; serviable, d’ailleurs, » comme un bon Suisse, » il ne craignait pas de conseiller les gens et de se mêler, sans qu’ils l’en priassent, à leur existence : c’est ainsi que, ayant rencontré à Lyon l’un de ses compatriotes, nommé Jérémie Vitel, fixé dans cette ville, il le décida à venir s’installer à Neuchâtel, le recommanda à son père, lui fit épouser sa sœur quelques années plus tard, vouant ainsi, sans le vouloir ni le prévoir, ce malheureux et sa descendance à un lamentable et tragique avenir. Car il semblait écrit que toutes les conceptions du pauvre Fauche tourneraient en catastrophes, sans que jamais l’implacable rigueur des réalités put le guérir de ses illusions.

Après deux ans de mariage, il s’établit libraire à son compte ; il reçut de son père, à cet effet, « pour commencer le commerce, » un fonds de publications diverses, évalué, dans un acte notarié en date du 27 mai 1788, à la somme de 30 000 livres de France. Il s’installa, sous le nom de Fauche-Borel, à Neuchâtel même, dans une vieille maison appartenant à sa belle-mère et située rue de l’Hôpital. Ce début modeste prenait, dans son esprit entiché des grandeurs, les proportions d’un événement européen. Son imprimerie naissante devient à ses yeux « un immense établissement typographique ; » il la déclare « l’une des plus belles de la Suisse. » « Des éditions entières de l’Encyclopédie, de la Description des Arts et Métiers, dont les fondateurs n’avaient pas su tirer avantage, me procurèrent, dit-il, de grands bénéfices. » Il est possible qu’il ne s’exagérât point l’importance de son industrie ; pourtant cet avis inséré à l’Almanach de Neuchâtel parait indiquer que, sept ans après sa création, sa librairie gardait les proportions d’une simple papeterie provinciale : « LOUIS FAUCHE-BOREL, éditeur de cet Almanach, ayant une imprimerie assortie en très beaux caractères, est à même d’entreprendre tous les ouvrages que l’on voudra bien confier à ses presses : à part les articles de sa librairie..., il a un