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assortiment complet de livres à l’usage des écoles de la ville et de la campagne, ainsi que livres classiques d’histoire, de littérature, géographie, psaumes en chagrin, en maroquin et autres de différents formats, papiers à la rame de toutes grandeurs pour dessins et plans, papiers en couleurs, cartons, encres de la petite Vertu rouge et noire ; livres blancs, carnets de poche, parchemin, vélin, papier de musique rayé, cire d’Espagne, crayons, encre de la Chine, cartes de visite, enveloppes, plumes à écrire... On trouvera chez lui du papier d’emballage et des maculatures à la livre..., etc. » Enfin, Fauche-Borel informe également le public qu’il continue « la fabrique de vinaigre fondée par sa belle-mère et que, en conséquence, il achète les vins propres à le faire. » Quant aux « bénéfices, » sans doute étaient-ils moins considérables qu’il ne les avait escomptés dans son incorrigible optimisme, puisque, ayant entrepris, en 1790, de rebâtir en pierres de taille la façade de sa vieille maison de la rue de l’Hôpital, il lui fallut grever son immeuble d’une hypothèque pour satisfaire à cette dépense, et hypothéquer encore, quatre ans plus tard, la plus-value que sa demeure prenait du fait de cette restauration. Il était donc réduit, à vrai dire, sinon au besoin, du moins aux expédients, et cette façade neuve, copieusement sculptée, plaquée sur une bicoque « en ruine, » apparaît là comme un parfait symbole du prurit de jactance qui démangeait son propriétaire.

Il n’est pas surprenant, du reste, que l’argent ne s’accumulât point dans le panier percé du jeune libraire ; soit qu’il négligeât de tenir ses comptes, soit qu’il estimât productive la théorie de la poudre aux yeux, il ne se privait pas de vivre en liesse et menait le train d’un riche négociant. Chaque année, dès la fin de l’hiver, il partait pour un long voyage, visitait la Hollande, le Danemark ou l’Allemagne, et passait l’été à Paris ; il trouvait des charmes à la vie d’auberges, aux rencontres de hasard, aux promiscuités de la diligence ; bon vivant, il ne dédaignait pas les plantureux dîners des tables d’hôte où il trouvait, par surcroît, un auditoire appréciateur de son encyclopédique emphase. Ayant senti qu’il n’était pas prophète en son pays, peut-être espérait-il passer pour tel aux yeux de compagnons d’un soir, aussitôt quittés qu’éblouis. Et puis, il savait conter, — et avec quel aplomb ! — de si mirobolantes histoires où toujours son importante personne tenait le beau