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Même depuis l’armistice de Riga en octobre 1920, il n’a pas manqué de difficultés à surmonter et de retards dans l’application des mesures proposées par la mission française. Mais néanmoins, l’armée polonaise a sérieusement travaillé, dans tous les domaines, et son esprit évolue en même temps que son organisation et son instruction.

Il n’est pas douteux qu’en continuant cet effort de travail, elle constituera bientôt un élément de force qui comptera en Europe. Cette force promet d’être d’autant plus solide que l’armée polonaise possède au plus haut point deux richesses de la plus grande valeur : le sentiment de race, et la qualité du soldat polonais.

Ce sentiment de race, trempé par l’épreuve du joug étranger, est singulièrement vif et intense ; il alimente le patriotisme et cet amour passionné de l’indépendance que la race polonaise savoure ardemment après 150 années d’oppression.

Ce sentiment de race, il est ancré chez l’ouvrier comme dans les classes supérieures, et c’est la raison pour laquelle la propagande bolchéviste, si insinuante, si adroite, soutenue par tant de moyens matériels, n’a jamais mordu sérieusement, même sur le parti socialiste polonais. Le nationalisme vivace de celui-ci est le meilleur antidote contre le communisme que Berlin, comme Moscou voudraient voir contaminer la Pologne.

Le soldat polonais, qui vient surtout du peuple paysan, est, comme lui, patient, discipliné, dur aux privations, endurant, sensible à toute bonne parole. Il est facilement susceptible d’enthousiasme et plein de confiance dans ses chefs. Le miracle de la Vistule l’a bien prouvé l’an dernier. Dans les mains d’officiers patriotes et instruits, il fera demain une armée de grande valeur, dès que la fusion des esprits et des cœurs, déjà très visible, sera devenue complète.

Après tous ces espoirs, il faut bien mentionner une ombre au tableau, et elle est grave : c’est la question juive.

Les Israélites forment 14 p. 100 de la population de l’Etat polonais ; ils constituent dans les villes de fortes agglomérations (400 000 âmes à Varsovie), parfois même la majorité absolue ; ils se trouvent dans tous les villages, sauf en Posnanie [1], comme commerçants, cabaretiers, commissionnaires, etc.

  1. Au début du XIXe siècle, la Posnanie avait la même proportion d’Israélites que le reste de la Pologne. Mais par suite de l’incorporation à la Prusse, ils ont peu à peu quitté le pays et se sont répandus d’autant plus facilement dans toute l’Allemagne que leur langue familiale, le jargon, est à base d’allemand.