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adressée, le 11 mars 1836, à Mme Cattanéo, la mère du futur défenseur de Milan contre Radetzky :

« L’ouvrage que vous avez la bonté d’attendre ne sera pas une histoire du Tiers-Etat, je dois vous l’avouer franchement, au prix de cette attente si flatteuse pour moi. Ce sera un simple recueil des documents inédits de l’histoire du Tiers-Etat, recueil qui sera énorme, s’il s’achève, et où il n’y aura rien de moi, si ce n’est le plan et quelque préface. Cela sera amusant à lire comme la collection de Muratori ; ni plus, ni moins. »

A MM. Jollibois et Granier de Cassagnac étaient venus s’ajouter, sur désignation ministérielle, plusieurs de ces « jeunes gens instruits et laborieux « promis par la lettre de Guizot, chartistes et normaliens pour la plupart : MM. Delpit, Thomassy, Teulet, Bernhard, Guérard, Yanowski, érudite pépinière, que devaient compléter bientôt deux savants des plus distingués : MM. Félix Bourquetot et Charles Louandre.

Ils dépouillaient aux Archives, au dépôt des manuscrits de la Bibliothèque royale, les collections de Bréquigny, Dupuy, Leydet, etc., l’inventaire des chartes de Flandre et d’Artois, l’historien ayant décidé de porter ses premières recherches sur le Nord de la France, particulièrement sur la Picardie, et, dans cette province, sur la ville d’Amiens. En 1837, pour donner quelques chiffres, 2 287 pièces avaient été relevées par MM. Delpit, Thomassy et Teulet. Un an plus tard, l’examen des manuscrits de la Bibliothèque royale avait fourni 13 184 bulletins ; celui des Archives, 2 060.

On devine à quel immense labeur de sélection, de classement, de catalogue et d’accord donnait lieu l’amoncellement sans cesse accru de ces documents. Pourtant, ils n’arrivaient pas encore assez nombreux à son gré. Les correspondants de province témoignaient, dans leurs envois, d’une regrettable nonchalance. Sur cent vingt choisis à l’origine, à peine si quarante répondaient aux objurgations, aux appels réitérés qui leur étaient adressés. Surpris et mécontent, Augustin Thierry s’en plaint à plusieurs reprises dans ses lettres à Guizot, à Pelet de la Lozère, à Salvandy, à Villemain, à tous les ministres de l’instruction publique qui se succèdent de 1835 à 1840.

Les matériaux assemblés et confrontés. Il convoquait alors ses auxiliaires au passage Sainte-Marie, se faisant lire et relire brevets et cartulaires, rangés autour de lui comme les témoignages