Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et formant une sorte de petit hôtel, ce logis offrait l’avantage d’éviter au paralytique la fatigue d’un escalier à gravir. De plus, il comportait la jouissance d’un jardinet, ombragé par quelques acacias où l’aveugle pourrait se donner l’illusion d’un peu d’espace et de grand air.

Avant de quitter la Haute-Saône, Augustin Thierry s’était mis en rapports avec les premiers collaborateurs qui lui avaient été désignés : MM. Emile Jollibois et Granier de Cassagnac. Suivant ses instructions, celui-ci était parti en tournée dans le Sud-Ouest de la France, afin de vérifier la situation des archives et le travail des correspondants recrutés par le ministère.

En même temps, il adressait au garde des sceaux Sauzet une requête pressante, afin d’obtenir le concours de la magistrature pour l’entreprise qu’il dirigeait, réclamant l’autorisation de faire procéder à des recherches dans les greffes des cours royales et des tribunaux civils.

Avec un zèle infatigable, il s’occupait personnellement à puiser toutes les sources possibles des pièces ou des renseignements utiles, sollicitant toutes les bonnes volontés, battant le rappel de ses amis et de ses relations. Dans ses brouillons de correspondance, les prières alternent avec les remerciements adressés à ceux qui lui ont procuré quelque document ; à Pardessus, qui lui envoie de Marseille le manuscrit du Livre des Plaids et de Justice ; à la Saussaye, qui explore les archives de Vendôme ; au juge de paix blésois Naudin, — un juge archéologue, — auquel il demande de fouiller les études notariales ; à Francisque Michel à Bordeaux. Il s’informe jusqu’en Allemagne, près de Lappenberg, l’historien hambourgeois.

A mesure que s’amoncelaient les cartulaires, la tâche à peine ébauchée se découvrait de plus en plus ce qu’elle était réellement : gigantesque. De longs mois s’écouleraient avant que fût terminé le travail de mise en ordre et de déblaiement préliminaire, ou même, — Guizot en était averti, — que pût être arrêté dans ses grandes lignes le plan général de la Collection.

Durant cette période d’enquêtes et de tâtonnements, il ne semble pas qu’Augustin Thierry ait songé tout d’abord à tirer parti des matériaux qu’il rassemblait pour écrire une histoire du Tiers-Etat. C’est ce qui résulte clairement d’une lettre