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« Présentez, je vous prie, à Mme Ticknor l’hommage de mes très humbles respects et agréez l’assurance de ma haute estime et de mon sincère attachement. »

En réalité, il ne s’illusionne guère. La désaffection croissante qu’il constate à l’égard du régime cher à son cœur excite son inquiétude. Ses appréhensions se trahissent dans un billet adressé à Villemain à l’occasion de sa rentrée au ministère de l’Instruction publique :


« Mon cher ami,

« Tu viens de faire pour la seconde fois acte de dévouement patriotique. Je t’en félicite et j’espère que Dieu sera en aide à la France et à vous. Je vous compare à ce Hollandais qui, voyant une digue rompue, s’assit sur la brèche et fit rempart de son corps, jusqu’à ce que les secours fussent prêts.

« Si j’étais encore bon à quelque chose, je me mettrais à votre service, mais des vœux sincères, une sympathie de cœur et d’opinions, hélas ! voilà tout ce que je puis offrir. « Adieu, mon bon ami, je fais des vœux pour que tu portes égèrement le poids du jour ; la tâche sera rude, mais il y aura de la gloire pour la noble résolution. Adieu, je t’embrasse de tout mon cœur. »

Avec Marc d’Espine, il se montre plus alarmé encore. L’instant est en effet critique : nous sommes au lendemain du Traité de Londres qui manqua d’entraîner la France dans une guerre contre l’Angleterre, la Prusse, la Russie et l’Autriche :

« Mon cher ami, pardonnez-moi le retard que j’ai mis à vous répondre. L’été de cette année a été rempli pour moi de traverses et de chagrins de tous genres : c’est la compensation du prix Gobert. Je suis parti pour la campagne au milieu de juin, fort triste parce que j’étais inquiet de la santé de ma femme. A peine était-elle mieux que son père, l’amiral de Quérangal, est tombé malade à Paris. Pendant les mois de juillet et d’août, ma pauvre femme s’est rendue à Paris presque chaque jour ! elle a soigné son père, hélas ! bien inutilement et elle a rempli jusqu’au bout, avec un courage admirable, de tristes devoirs, dans lesquels je ne pouvais l’assister [1]. Toutes ces épreuves m’ont remué de la manière la plus forte et m’ont

  1. L’amiral de Quérangal était mort le 27 août 1840.