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et se dresse sur le toit, au milieu de chaque corps de logis.

Tout le bâtiment est à six étages. Le rez-de-chaussée a des voûtes très surbaissées en anse de panier à la mode du temps. Les cinq autres étages (car cette abbaye idéale en compte deux de plus que Chambord même) sont couverts de plafonds en stuc de Flandre « à forme de culz de lampes, » c’est-à-dire à croisillons compliqués et sans doute à clefs sculptées, selon l’usage de cette époque. Et sur le tout s’étend un toit de cette ardoise fine que Du Bellay préférera au dur marbre romain, dont les plombs historiés en forme d’animaux et de bonshommes perpétuent dans l’azur leurs gestes immobiles et dorés.

De là partent les gouttières, peintes en diagonales d’or et de bleu, qui descendent le long du mur, entre les fenêtres, et aboutissent à la Loire après avoir passé sous le logis. La façade sur la cour repose sur de forts piliers de calcédoine et de porphyre et sur de beaux arcs en plein-cintre, de manière à former au rez-de-chaussée une sorte de cloitre, de galerie ornée de peintures, qui abritent des tableaux ou fresques et des curiosités : cornes de cerfs, de licornes, de rhinocéros, voire « d’hippopotames, » dents d’éléphants, etc. Et au milieu de la Cour chante une grande fontaine d’albâtre, où l’on voit les trois Grâces, avec des cornes d’abondance, jeter de l’eau par les « mamelles, bouches, aureilles, yeulx et aultres ouvertures du corps, » assure gaiment maître François.

Quant à l’aménagement, il est excellent. Les deux corps de logis parallèles du Nord-Ouest et du Sud-Est, où sont les portes de l’abbaye et les deux grands escaliers, sont occupés, l’un par les bibliothèques, l’autre par des salons, comme nous dirions.

Les « belles grandes librairies en grec, latin, hébrieu, tuscan et hespaignol » remplissent toute la partie comprise entre Artice et Cryère et elles y sont reparties « par les divers étages selon iceulx langaiges. » On remarquera que l’auteur ne mentionne ni l’anglais, ni l’allemand, parlers barbares.

Le corps de logis Sud-Est, de Mésembrine à Anatole, comprend de grandes galeries, toutes peintes, — à fresque, je suppose, — « des antiques prouesses, histoires et descriptions de la terre, » c’est-à-dire de sujets historiques, de scènes exotiques et documentaires, empruntées aux relations des voyageurs contemporains, sans doute aussi de cartes géographiques ; la fameuse galerie du Vatican montre comment les artistes de la