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d’ailleurs, il faut avouer que Rabelais ne s’est pas fort clairement expliqué sur les entrées de son abbaye.

Au centre de chacun des doux corps de logis parallèles, qui s’étendent, l’un d’Arlice à Cryère, l’autre d’Anatole à Mésembrine, il y a un escalier à vis, dit-il, une rampe plutôt, si vaste qu’une demi-douzaine de gens d’armes à cheval, la lance sur la cuisse, peuvent monter de front jusques au toit ; et cela est merveilleux assurément, puisque le fameux escalier d’Amboise même n’était accessible qu’à deux cavaliers de front. Il ajoute que l’entrée de ces deux montées est « par le dehors du logis en un arceau large de six toises. » Et voilà, tout ce que nous savons des portes de Thélème. Pourtant, il parait bien vraisemblable qu’on n’y pénétrait point nécessairement par le premier étage : sans doute, ces deux grands arcs donnaient-ils également accès dans la cour intérieure de l’abbaye. — Quoi qu’il en soit, c’est au-dessus de celui du Sud-Est qu’on lit la fameuse inscription en belles lettres, non pas barbares et gothiques, à la façon du moyen âge, mais romaines antiques, comme il sied dans une demeure où la Renaissance triomphe : « Cy n’entrez pas, hypocrites, bigotz, » etc. Par ce côté arrivaient nécessairement les étrangers, en effet, puisque, au Nord-Ouest, l’abbaye était bornée par la Loire et par ses propres jardins.

Chacun des quatre autres corps de logis est de même percé en son centre par un bel escalier tournant, à vis « brisée, » c’est-à-dire à paliers, dont chaque repos s’ouvre par une arcade à plein cintre, qui lui donne la clarté, sur un cabinet « faict à claire voye, de la largeur de ladite vis. » M. Lenormant (et tout le monde après lui) a supposé que ces cabinets devaient faire saillie sur la façade et qu’ils étaient posés en encorbellement. Pourquoi ? Rabelais ne nous dit pas que les escaliers remplissaient toute l’épaisseur des corps de logis. Ils pouvaient laisser place à des cabinets ajourés par lesquels on passât d’une partie à l’autre du logis sans traverser l’escalier et qui fussent assez étroits pour laisser entrer la lumière jusque dans la « vis. » Quant aux marches, — il y en a douze d’un palier à l’autre, qui sont longues de vingt-deux pieds exactement, et hautes de trois seulement, — elles sont faites de porphyre, de marbre rouge de Numidie et de marbre à fond vert, taché de rouge et de blanc. Par ce doux et splendide chemin, on monte aisément jusqu’au pavillon qui, comme à Chambord, couronne la vis