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ministre des Affaires étrangères de Russie en 1914, le propos suivant : « Les dispositions pacifiques de l’Empereur d’Allemagne sont la garantie que nous pourrons fixer nous-mêmes le moment des hostilités. » Quand M. Sazonoff aurait-il tenu ce langage ? Je ne sais. Ce que je puis affirmer, c’est que ces paroles sont en contradiction avec toutes celles que M. Viviani et moi, nous avons entendues, en 1914, de la bouche de M. Sazonoff : et MM. Léon Bourgeois, Briand, Millerand et autres, qui avaient vu, comme moi, M. Sazonoff, dès 1912, ont tous pu constater que, tout en différant d’opinion avec nous sur plusieurs questions, il était sincèrement attaché à la paix. Pour conclure, Guillaume II se plaint que les Alliés n’aient pas voulu soumettre à un tribunal international la question des responsabilités de la guerre et il nous laisse entendre que l’aveu consigné par le Reich dans le Traité de Versailles n’a aucune valeur.

Le presse allemande donne naturellement à cette lettre impériale une publicité retentissante, et le Mainzer Tageblatt nous révèle les premières conséquences pratiques de cette campagne de réhabilitation. L’article 231 du Traité de Versailles a, nous dit-on, extorqué à l’Allemagne une déclaration qui ne peut pas avoir plus de poids que la confession d’un malheureux condamné à la torture. M. Lloyd George n’a-t-il pas lui-même reconnu, le 20 décembre 1920, dans un discours public, que personne n’avait voulu la guerre, que tous les peuples y étaient tombés en trébuchant ou en glissant ? Il est vrai que M. Lloyd George a, au contraire, soutenu à Londres, avant l’envoi de l’ultimatum, que l’Allemagne était coupable. Mais il n’en a pas moins, à une heure donnée, prêté l’appui de son éloquence à la thèse allemande, et c’est là, d’après le Mainzer Tageblatt, un éclair qui doit illuminer le monde. Pourquoi, dès lors, l’article 231 reste-t-il intangible comme le texte de la Bible ? Jusqu’ici, il n’y a guère eu que des voix isolées pour protester contre l’injuste verdict de Versailles ; mais voici qu’il se crée, pour le réviser, un nouveau tribunal international, et ce tribunal se prépare, s’il vous plaît, à inviter les juges de Versailles, de Spa et de Londres à comparaître devant lui. La Kölnische Zeitung nous fournit des renseignements détaillés sur cette juridiction singulière. C’est, paraît-il, un Comité neutre, qualifié d’indépendant par les journaux allemands, qui s’est spontanément constitué et qui doit se réunir à Christiania dans les premiers jours de janvier, pour étudier, non seulement les origines de la guerre, mais la manière dont elle a été conduite et dont elle a pris fin. En d’autres termes, c’est le Traité de Versailles qu’il s’agit de détruire de la base au