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à ne pas même conserver, jusqu’aux dates fixées par le Traité, les garanties territoriales. M. Jacques Bainville a remarqué, avec son habituelle finesse, qu’il y avait là, chez certains Anglais, comme un ressouvenir de ce qui s’était passé en 1818, trois ans après Waterloo, au moment du Congrès d’Aix-la-Chapelle.

A cette époque, l’Angleterre a conseillé aux Puissances de ne réclamer à la France, sur sa dette de guerre, qu’un dernier versement, de la libérer du surplus, de l’admettre dans la Sainte-Alliance et d’évacuer son territoire. Dans un pays de tradition comme la Grande-Bretagne, il n’est pas impossible, en effet, qu’un précédent de ce genre, si lointain qu’il soit, exerce sur les imaginations une influence persistante.

Il n’y a cependant aucune comparaison à établir entre les deux situations. Louis XVIII était, par tempérament et par nécessité, un souverain pacifique. L’occupation de la France par les armées étrangères n’avait pas été, du reste, stipulée seulement pour la sûreté de l’Europe, mais aussi pour celle des Bourbons ; et, à Aix-la-Chapelle, Richelieu avait soutenu que l’armée française, réorganisée par Gouvion Saint-Cyr, suffisait à la sauvegarde de la monarchie. Au surplus, en 1818, la plus grosse part de la dette française était payée. Il n’y a donc aucun exemple à tirer d’une mesure qui se justifiait par des considérations dont aucune ne s’adapte aux événements actuels. L’occupation prévue par le Traité de Versailles a déjà le grave inconvénient de cesser longtemps avant que l’Allemagne se soit entièrement acquittée. Le droit, qui est reconnu aux Alliés, de rentrer sur la rive gauche du Rhin, si, après l’évacuation, l’Allemagne se dérobe à ses engagements, est d’un exercice très difficile. Lorsque nous en userons, il nous donnera figure d’agresseurs ; il exigera de délicates délibérations entre Alliés ; il nous contraindra à modifier toutes nos dispositions militaires ; il risquera d’inquiéter l’opinion en France et dans le monde entier. Reprendre un gage dont on s’est dessaisi, c’est une opération hasardeuse. La prudence la plus élémentaire nous commande de tout faire pour l’éviter.

Ni sur ce point, ni sur aucun autre, les conversations de Londres n’ont abouti à des conclusions précises. Tout au plus peut-on dire qu’elles ont réussi à écarter provisoirement certaines inquiétudes. Il avait été dit, à la suite d’un des derniers discours de M. Churchill, que l’Angleterre se proposait de nous entraîner dans une entente tripartite avec l’Allemagne, établie sur le modèle de l’accord du Pacifique. Si cette idée a été envisagée, elle est abandonnée. Mais il reste que