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par les incendies, est encore diminué, presque chaque jour, du fait de réquisitions nouvelles. Chaque service, utile ou inutile, est établi en triple, aucun des Alliés ne voulant, du moins sur ce point, paraître le céder aux autres. Des offices restreints s’étalent dans des immeubles énormes. Dans certains quartiers, dans certains faubourgs, les lycées, les écoles ont été réquisitionnes par l’autorité militaire. Tandis que les logements sont devenus plus rares, la population s’est accrue de tous les émigrés turcs, venus de Thrace ou d’Asie-Mineure, et des innombrables réfugies russes.

Le prix énorme des matières premières, plus encore que celui de la main-d’œuvre, empêché de reconstruire. La détresse financière ne permet ni de réparer les aqueducs et les fontaines, ni d’entretenir les voies publiques. Un jour que je me trouvais au ministère de l’Evkaf, dont dépend le service des eaux, le ministre m’avoua qu’il avait cent quarante livres dans sa caisse : cela faisait alors un peu moins de treize cents francs. Les taxes municipales ne sont payées que par une infime portion des habitants : les étrangers en sont exempts, les Grecs et les Arméniens, quoique sujets ottomans, s’en dispensent d’eux-mêmes ; les Syriens en font autant, comme aussi les innombrables indigènes, qui peuvent se réclamer de quelque protection étrangère. Les impôts d’Etat rentrent aussi difficilement et aussi peu que les taxes municipales.

Les Alliés disent au Gouvernement de Constantinople : « Nous allons renforcer la gendarmerie et les services de sûreté. Coût : tant de centaines de mille livres par mois. » Le Gouvernement répond : « Bien ! Alors, laissez-moi élever les droits de douane ; permettez que la patente commerciale soit perçue sur les étrangers comme sur les Ottomans, et ne mettez pas cet épicier turc, qui paie patente, dans la cruelle nécessité de vendre ses denrées plus cher que cet épicier grec, qui tient boutique trois maisons plus loin et ne paie rien. » La requête parait juste ; les hauts commissaires français, anglais et italien se mettent d’accord pour consentir à ce que les droits de douane soient relevés de 11 à 15 p. 100, et que la temettu (patente) soit étendue à tous les commerçants. Mais le haut-commissaire amé- ricain, qu’on n’avait point consulté, s’y oppose, et voilà, le projet dans l’eau.

Le Gouvernement de Constantinople, dont l’autorité ne