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alliés, qui appliqueraient les lois du pays où ils siègent [1].

L’état d’anarchie juridique dans lequel vit à Constantinople une agglomération composite d’un million et demi d’habitants ne peut être prolongé indéfiniment. Les aventuriers et les aigrefins de toute provenance sont seuls à bénéficier de cette situation paradoxale ; tous les autres en souffrent, et beaucoup très gravement. Quant à l’autorité morale et au prestige des trois Puissances qui ont assumé la charge d’occuper Constantinople et d’y maintenir le bon ordre, je laisse à penser ce qu’ils peuvent y gagner.


L’ADMINISTRATION, LES FINANCES

La capitale ottomane, qui ne fut jamais administrée à la façon d’une grande ville moderne, était pourtant, avant la guerre, à peu près habitable : elle ne l’est plus guère aujourd’hui. Les progrès accomplis peuvent se résumer ainsi : construction d’un énorme abattoir en face d’Eyoub, au fond de la Corne d’Or, et d’une usine d’électricité entre Eyoub et les Eaux Douces d’Europe ; réservoirs à pétrole alignés sur la rive asiatique du Bosphore ; exploitation de la forêt de Belgrade à la manière anglaise, c’est-à-dire destruction sans retour d’une partie des admirables futaies qui s’étendaient des environs de Thérapia jusque vers Rouméli-Kavak.

Quant aux dommages causés soit par la guerre, soit par l’occupation, la liste en serait trop longue : signalons les principaux. D’immenses quartiers ont été dévastés par l’incendie et ne sont point reconstruits. Les grands aqueducs, faute d’avoir été réparés, ou du fait des prises d’eau arbitrairement pratiquées sur leur parcours, ne suffisent plus à alimenter la ville d’innombrables fontaines sont taries, des quartiers populeux sont privés d’eau. Les rues défoncées par la circulation intense des voitures et des camions militaires, sont devenues impraticables dans la plus belle saison : que peuvent-elles devenir en hiver ? Le nombre des habitations, déjà considérablement réduit

  1. C’est la pire solution qui a prévalu. Un arrêté, publié à Constantinople au début de novembre 1921, décide que la justice interalliée sera rendue respectivement dans chacun des secteurs attribués aux trois Puissances occupantes, par des tribunaux militaires français, anglais et italiens.