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rompant avec des amitiés et des admirations dont beaucoup lui étaient chères, il prit fortement position contre ceux qui lui paraissaient mettre en péril les plus graves intérêts du pays ; il fut l’un des plus ardents promoteurs et organisateurs de la Ligue de la Patrie française ; et s’il ne l’a peut-être pas inventé, c’est lui qui, plus que personne, a fait la fortune du mot nationalisme.

Un nationaliste, c’est d’abord essentiellement un homme qui rapporte tout à la France, et qui juge de tout, même de la vérité abstraite et métaphysique, en fonction de l’intérêt français. « L’assertion qu’une chose est bonne ou vraie a toujours besoin d’être précisée par une réponse à cette question : Par rapport à quoi cette chose est-elle bonne ou vraie ? Autrement, c’est comme si l’on n’avait rien dit. » Et, d’autre part, « un nationaliste, c’est un Français qui a pris conscience de sa formation. Nationalisme est acceptation d’un déterminisme [1]. » « Pour moi, messieurs, — s’écriait un jour M. Maurice Barres, dans une conférence célèbre, — dévoyé par ma culture universitaire, qui ne parlait que de l’Homme et de l’Humanité, il me semble que je me serais avec tant d’autres agité dans l’anarchie, si certains sentiments de vénération n’avaient averti et fixé mon cœur. » Un jour, à Metz, au cimetière de Chambière, en face du monument élevé à la mémoire de sept mille deux cents soldats français morts aux ambulances de 1870, il a eu la révélation de la solidarité inéluctable qui le rattache à tous ces morts, à la terre, aux traditions qu’ils défendaient. » A Chambière, devant un sable mêlé de nos morts, par un mouvement invincible de vénération, notre cœur convainc notre raison des grandes destinées de la France et nous impose à tous l’unité morale. »


Cette voix des ancêtres, cette leçon de la terre que Metz sait si bien nous faire entendre, rien ne vaut davantage pour former la conscience d’un peuple. La terre nous donne une discipline, et nous sommes les prolongements des ancêtres. Voilà sur quelles réalités nous devons nous fonder.

Que serait donc un homme à ses propres yeux, s’il ne représentait que soi-même ? Quand chacun de nous tourne la tête sur son épaule, il voit une suite indéfinie de mystères, dont les âges les plus récents s’appellent la France. Nous sommes le produit d’une collectivité

  1. La Terre et les Morts (sur quelles réalités fonder la conscience française), Paris, Bureaux de la Patrie Française, 1899, p. 12.