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que la Grèce ne l’attire pas spontanément comme l’Espagne, qu’il s’y rend pour obéir aux suggestions imaginatives des maîtres parnassiens de sa vingtième année. » La curiosité qui m’oriente vers Athènes, dit-il, m’est venue du dehors plutôt que de mon cœur profond... C’est avec une sorte de maussaderie et pour remplir un devoir de lettré que je vais me soumettre à la discipline d’Athènes. Saurai-je l’entendre ? « Il l’entend d’ailleurs fort bien, mais non pas du premier coup, et, si l’on peut dire, avec son intelligence plus qu’avec son cœur. « Je ne puis y contredire, déclare-t-il, la beauté de Phidias s’impose avec domination à tous les hommes raisonnables. » Et pourtant, — Renan l’avait déjà pressenti, — un moderne ne pourra, sur l’Acropole, adresser à Athéné la prière d’un Grec du Ve siècle. » Le Parthénon n’éveille pas en moi une musique indéfinie comme fait, par exemple, un Pascal... Entre le Parthénon et nous, il y a dix-neuf siècles de christianisme. J’ai dans le sang un idéal différent et même ennemi. Bien que je reconnaisse l’interprétation hellénique de la vie comme très haute et d’immense portée, elle m’est étrangère et sans résonance. » Ce qui l’intéresse et le touche plus que tout, ce sont les souvenirs des ducs français d’Athènes, c’est la petite église catholique de Daphné. Et sans doute, en relisant Antigone au théâtre de Dionysos, il connaît des « instants de plénitude » qui lui seront une très vive jouissance et un enrichissement spirituel. Mais c’est qu’Antigone est déjà à bien des égards, une héroïne moderne. Tout au fond, Athènes désoriente un peu ce Lorrain par sa sobriété un peu nue, par sa « dure perfection. » A Athènes il préfère Sparte.


Que de force et de grandeur dans les mouvements du Taygète, quand il s’appuie largement sur la plaine conseillère de voluptés et qu’il se jette par cinq pointes neigeuses dans le ciel !... A quarante ans c’est Sparte où je me veux fixer. Sparte n’est point comme Venise une note de tendresse qui sonne au milieu du plaisir ; elle ne jette pas comme Tolède un ordre, un cri dans la bataille ; elle laisse Jérusalem gémir. Le Taygète entonne un péan.

Un cœur noyé de poésie, s’il connaît une fois la virilité du mont sous lequel tressaille la plaine pécheresse, veut mourir pour un idéal. Sa volonté d’être un héros jaillit, claire et joyeuse. Rien désormais ne le contentera qu’un fier repos au sein de la cité, une mémoire bien assise et resplendissante.