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notre être ce qu’il y a en nous de plus intime et de plus profond. M. Maurice Barrès ne pouvait échapper à la règle générale.

Non pas, on l’entend bien, qu’il aborde le problème religieux en théologien, ou en critique. Son point de vue est bien plutôt celui d’un libre philosophe et moraliste, doublé d’un poète et d’un artiste. » Il n’est pas nécessaire, écrit-il, de posséder une foi parfaite pour prendre un plaisir de vénération devant l’image sereine de la foi. » Lui qui a si souvent dit : « L’intelligence, quelle petite chose à la surface de nous-mêmes ! « il sait qu’ « il ne faut pas compter sur le rationalisme non plus que sur la science pour cultiver toute l’âme. » « Connaissez mieux, s’écrie-t-il en pleine Chambre, connaissez mieux la nature humaine, celle des simples et celle des plus grands : il y a chez nous tous un fond mystérieux et qui ne trouve satisfaction que dans ce phénomène mystérieux lui-même qu’on appelle la croyance. Il y a une part dans l’âme, et la plus profonde, que le rationalisme ne rassasie pas et qu’il ne peut même pas atteindre. » « C’est qu’aussi bien, dira-t-il encore, quelques notions de plus ou de moins n’y changent rien, nous sommes tous le même animal à fond religieux, inquiet de sa destinée, qui se voit avec épouvante, encerclé, battu par les vagues de cet océan de mystère dont a parlé le vieux Littré et pour lequel nous n’avons ni barque, ni voile. » Eh bien ! ce fond religieux « à la fois très fécond et très redoutable, » « l’Eglise y met une discipline ; » elle canalise, si l’on peut ainsi dire, le sentiment religieux. Et de cela on doit lui savoir un gré infini. Par elle, le sentiment religieux est réglé, épuré ; il reste, dans nos médiocres sociétés modernes, la grande source profonde et irremplaçable d’idéalisme et de poésie. Qu’on aille au village, qu’on assiste à la procession du 15 août, — que le poète nous décrit en des pages qui ont l’air échappées du Génie du Christianisme. » J’ai entendu, nous dit-il, Parsifal à Bayreuth : tout y est lourd, grossier, volontaire, près de cette fête de la pureté... C’est ici que la petite ville peut prendre le sentiment de sa beauté morale, et s’évader des soins matériels... J’ai vu passer la poésie dont je suis un fils reconnaissant et dévoué. » Détruire les églises, tracasser ou paralyser ceux qui veulent les sauver de la ruine, c’est pécher contre l’Esprit, c’est prêter main forte à la Bête. Ecoutez le poète méditer dans la cathédrale de Reims : « Que me demande-t-on si je crois ? Je suis sûr