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Une conférence a été tenue ensuite, sous la présidence de l’Empereur. Viviani a éloquemment réclamé l’expédition de 400 000 Russes en France, par envois mensuels de 40 000. Le général Alexéïew s’est peu à peu détendu. La discussion n’en a pas moins été longue et difficile. A la fin, l’Empereur a affirmé sa volonté. La décision suivante a été prise : outre la brigade déjà expédiée en France et celle qui doit partir le 15 juin pour Salonique, cinq brigades, de 10 000 hommes chacune, seront envoyées en France, entre le 14 août et le 15 décembre.

Je félicite Viviani de ce résultat, qui a bien sa valeur. Mais nous sommes loin encore des 400 000 hommes qu’on avait espérés.



Vendredi, 12 mai.

Le général Janin, qui remplace le général de Laguiche à la tête de notre mission militaire, vient d’arriver en Russie.

Je le reçois à déjeuner ce matin. De caractère simple et gai, d’intelligence ouverte, souple et nuancée, il plaira aux Russes.



Samedi 13 mai.

Je reçois d’une amie varsovienne, qui est réfugiée à Kiew, une lettre pleine de critiques, de soupçons, de reproches, d’excommunications, d’anathèmes, à l’égard de tous les Polonais qui, plus ou moins habilement, travaillent à la restauration de la Pologne. Nul ne trouve grâce devant son patriotisme, impulsif et turbulent. Hélas ! fera-t-on jamais comprendre aux Polonais la nécessité de la discipline dans l’effort commun ?

Toute l’histoire de la Pologne avant et depuis les partages pourrait servir d’argument à une étude sur les effets de l’individualisme en politique.



Lundi, 15 mai.

Dans l’après-midi, je reçois à l’Ambassade la colonie française de Pétrograde, pour lui faire connaître Viviani et Albert Thomas.

Livrée de gala, buffet, discours, présentations, orchestre, foule énorme et qui s’attarde... Avant la guerre, ce genre de réception me semblait une corvée odieuse. Aujourd’hui, où l’exil est si cruel, on éprouve comme une dilatation du cœur à se sentir entre Français.