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en hommes, ne soit plus arrêtée par l’insuffisance de son armement... Mais il y a une question plus urgente et plus importante que toutes : l’artillerie lourde. Le général Alexéïew m’en réclame chaque jour et je n’ai plus un canon, plus un projectile à lui envoyer.

— Pourtant, vous avez 70 pièces lourdes, débarquées à Arkhangelsk !

— Oui ; mais les wagons nous manquent. Vous savez dans quelle pénurie nous sommes, sous ce rapport. Toute la suite de notre offensive, si brillamment engagée, risque d’en être paralysée.

— C’est grave. Mais pourquoi votre administration des chemins de fer n’a-t-elle pas un peu plus d’ordre et d’activité ? Voilà des mois que Buchanan et moi nous en parlons à M. Sazonow, que nous lui remettons note sur note. Et nous n’obtenons rien. Nos attachés militaires et navals multiplient aussi leurs démarches. Ils n’obtiennent pas davantage. N’est-ce pas désolant de penser que la France prélève une part considérable de sa production industrielle pour approvisionner vos armées et que, par désordre, par inertie, vos armées n’en profitent pas ! Depuis que le port d’Arkhangelsk est rouvert à la navigation, les navires français y ont débarqué, en plus des 70 canons lourds, un million et demi de projectiles, six millions de grenades, cinquante mille fusils ! Et tout ce matériel reste en détresse sur les quais ! Il faut, à tout prix, que le débit quotidien de la voie ferrée soit augmenté. Trois cents wagons par jour, c’est dérisoire. On m’assure que, avec un peu de méthode et d’énergie, ce chiffre serait facilement doublé.

— Je m’épuise à lutter contre l’administration des chemins de fer et l’on ne m’écoute pas beaucoup plus que vous... Mais, comme vous dites, c’est si grave que nous n’avons pas le droit de nous décourager. Aussi, je vous prie, parlez-en de nouveau à M. Sazonow, demandez-lui d’intervenir encore, de votre part, devant le Conseil des ministres.

— Comptez sur moi. Dès demain, je reviendrai à la charge...



Samedi, 24 juin.

Depuis quelques semaines, je constate dans les cercles politiques de Pétrograde, un curieux mouvement de réaction contre le projet d’annexer Constantinople à la Russie.