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les rend maîtres de toute la Bukovine et les amène au pied des Carpathes.

Tandis que nous regardons, sur une carte, le progrès des opérations, Sazonow me dit :

— C’est maintenant que les Roumains devraient marcher !... Ils trouveraient la route libre jusqu’à Hermannstadt, jusqu’à Témeswar... jusqu’à Pesth !... Mais Bratiano n’est pas l’homme des décisions simples et franches. Vous verrez qu’il laissera passer ainsi toutes les occasions !...



Mercredi, 28 juin.

D’une source intime et sûre :

« L’Impératrice traverse une mauvaise phase. Excès de prières, de jeûnes, de pratiques ascétiques. Agitation, insomnies. Elle s’exalte et, se concentre de plus en plus dans l’idée qu’elle a mission de sauver la Sainte Russie orthodoxe et que les lumières, les grâces, la protection de Raspoutine lui sont indispensables pour y réussir. A tout propos, elle fait demander au staretz un conseil, un encouragement, une bénédiction. »


Les relations de la tsarine et de Grichka ne demeurent pas moins fort secrètes. Aucun journal n’y fait jamais allusion. Et les gens du monde n’en parlent qu’à voix basse, entre intimes, comme d’un mystère humiliant qu’il vaut mieux ne pas approfondir : on ne se gêne pas d’ailleurs pour inventer mille détails fantastiques.

En principe, Raspoutine franchit assez rarement les grilles de la résidence impériale. Ses rencontres avec la souveraine ont presque toujours lieu chez Mme Wyroubow, dans le petit cottage de la Sredniaïa : il y reste quelquefois durant des heures, enfermé seul avec les deux femmes, tandis que les policiers du général Spiridowitch font le vide et le guet autour de la maison.

Dans le cours ordinaire de la vie, c’est par les colonels Loman et Maltzew que s’opèrent pratiquement les communications incessantes du Palais avec le staretz et sa clique.

Le colonel Loman, adjoint au Commandant des Palais impériaux et curateur de l’église préférée de la Tsarine, le Féodorowsky Sobor, est le secrétaire particulier d’Alexandra-Féodorowna, dont il possède toute la confiance ; il s’est donné comme