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La nuit enfin décline, il semble qu’une aurore
Éveille des enfers l’indécise clarté.

Surgissant de la brume où le matin commence,
Une ombre, depuis peu captive sur ces bords,
Hésite à s’engager dans le chemin des morts.
Elle veut me rejoindre et lentement s’avance.

Hélas ! pourquoi des pleurs me cachent-ils ses yeux ?
Pourquoi tant de beauté n’est-elle plus que cendre ?
A-t-on vu quelquefois dans l’Erèbe descendre
Tant de grâce et d’amour et de tristesse…

O dieux !

Mon cœur bat et s’élance, à peine je respire.
Et c’est la même attente et les mêmes émois
Qu’au jour où je te vis pour la première fois.
Et le faible Titus invoque ton sourire.

Ne te détourne pas ! j’embrasse tes genoux…
Ecoute un seul instant ma plainte, ô Bérénice !
Que par mon repentir ta peine s’adoucisse,
Et que la paix des morts se répande sur nous !

— Je désirais en vain la nuit la plus obscure…
Le mal que tu me fis ne m’abandonne pas,
Amour, amour cruel qui survis au trépas !
Triomphe, viens rouvrir ma récente blessure !

— Si nous avons souffert, les dieux l’ont exigé.
Je fus coupable aussi… Mais sache, par clémence,
Oublier le départ, et les maux de l’absence,
Et le ressentiment de l’amour outragé !

— Il ne suffisait pas qu’au rivage d’Ostie,
J’eusse laissé Titus… Quand j’eus franchi les mers,
Que les jours furent longs, qu’ils me furent amers !
— J’ai caché dans ma gloire une lente agonie…