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hier vos Scènes de la vie privée [1]. Je vous remercie avec effusion de vous être souvenu d’un pauvre solitaire qui a besoin de charmer son ennui par des lectures attrayantes. Vos quatre volumes m’aideront à attendre plus patiemment la visite très prochaine que vous m’avez promise.

Agréez, mon cher Honoré, l’expression du sentiment pénible que j’éprouve en pensant à votre situation présente et recevez l’assurance de mon bien sincère attachement.


PÉRIOLAS.


VII
Périolas à Balzac.


(Saint-Cyr,) 10 juin (1832.)

J’aime à penser, mon cher Honoré, que l’accident malencontreux qui vous a forcé à la retraite n’a pas eu de suites fâcheuses et je vous en félicite bien cordialement. Vous m’avez parfaitement jugé, j’abhorre le plumitif et par une fatalité assez commune au reste, ma vie n’est qu’une chaîne de contrariétés, car je l’use à écrire sur des sujets qui répugnent à la tournure de mes idées. Si vous me croyez oisif, vous vous trompez grandement. Chaque journée a sa corvée plus ou moins abrutissante : mes seuls jours de fête sont ceux où vous venez me voir. Malgré mes occupations obligées, je trouverais assurément le temps de faire ce que vous désirez, mais après un examen consciencieux de mes souvenirs et surtout de mes facultés intellectuelles, j’ai reconnu en moi l’impossibilité de réaliser les élans de ma bonne volonté : vous me connaissez assez, je pense, pour être bien persuadé que ceci n’est point une méchante défaite. C’est, je vous le jure, l’expression d’une conviction profonde. Ensuite, je dois vous dire que je n’ai fait la guerre qu’avec des troupiers aussi graves que les machines qu’ils mettent en jeu et cette race d’hommes, tout à fait à part, est peu discoureuse, peu anecdotière. J’ai eu rarement l’occasion d’observer les autres armes [2] et c’est là qu’on rencontre des individualités piquantes et des mœurs qui, moulées dans

  1. Scènes de la Vie privée, par M. de Balzac, 2e édition, Paris, Mame et Delaunay, 1832, 4 vol. in-8.
  2. Périolas est artilleur.