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Cannes, M. Ribot l’avait, dans un discours merveilleux de bon sens et de finesse, mis en garde contre les périls de la conférence qui allait s’ouvrir. » Dans une réunion où seront appelés, disait-il, nos anciens ennemis et tous les neutres, presque tout le monde nous dira : Faites donc encore un sacrifice, abaissez votre créance. » A quoi le Président du Conseil répondait avec énergie : « Jamais, nous ne pourrons consentir à cela. » Et M. Ribot répliquait doucement : « Sans doute, sans doute, vous déclarez : nous ne sacrifierons pas notre créance, mais vous ne serez pas maître de ce qui viendra. Quand vous aurez lancé la machine, elle nous passera sur le corps. » Et l’éminent orateur ajoutait : « Voyez-vous, cette créance sur l’Allemagne, c’est une question vitale pour notre pays. Elle doit rester au premier plan de toutes les conférences, de toutes les conversations que vous pourrez avoir. Vous ne devrez pas la perdre un instant de vue, parce que c’est la vie même de ce pays qui est en jeu. » M. Briand ne différait pas, à cet endroit, d’opinion avec M. Ribot. Loin de là. Il a même tenu à préciser : « La première question à l’ordre du jour de la Conférence et qui devra être résolue, est celle des réparations. L’autre (c’est-à-dire la réunion d’une conférence économique européenne) est une question d’avenir. » Contrairement au vœu de M. Ribot, contrairement au désir de M. Briand, c’est cependant la direction opposée qu’a prise, dès sa première séance, le Conseil suprême. Avant l’ouverture officielle de la session, les ministres des pays représentés avaient eu des conversations préparatoires et, une fois de plus, M. Lloyd George avait eu la bonne fortune de rallier autour de lui la majorité. Lorsqu’a eu lieu la réunion publique, l’heure des délibérations utiles était passée : c’était l’heure des discours qui sonnait. M. Lloyd George a pris le premier la parole et, avec son talent incisif, il a, tout de suite, mis au premier plan ce vaste dessein de reconstitution européenne, où M. Briand discernait naguère plus de mystique que de sens positif : et il ne nous a pas caché que, dans sa pensée, la question des réparations était dominée par la nécessité de rétablir, avant tout, la santé universelle. C’était, à vrai dire, ce qu’avait expressément avoué le communiqué donné par Downing Street, après les entretiens de Londres : « En ce qui concerne les réparations, aucune divergence d’opinion sérieuse ne s’est révélée entre les deux premiers ministres, mais il est évident que ce problème ne saurait être séparé de la question plus ample de la reconstruction économique de l’Europe. »

Lorsqu’il avait été interrogé sur ce communiqué, M. Briand avait répondu qu’il ne l’avait pas connu avant publication et que ni lui, ni