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aucun de ses subordonnés, n’y avait collaboré ; et il est assurément fâcheux que les bureaux de Downing Street aient ainsi livré à la presse un communiqué unilatéral. Mais le texte n’en exprimait que plus sûrement la pensée britannique, et il était évident qu’à Londres, suivant une habitude déjà trop ancienne, les Alliés ne s’étaient entendus que dans un malentendu. M. Lloyd George a parfaitement montré à Cannes qu’il persistait dans son idée favorite, si inconciliable qu’elle fût avec celle de M Briand. Il s’est présenté comme l’avocat de la prudence et de la modération, non pas, a-t-il dit, que l’Angleterre eût des motifs de ménager l’Allemagne, mais parce que, dans l’intérêt de l’Europe et du monde, il fallait éviter de précipiter le Reich dans la banqueroute et le chaos ; c’est en restaurant le commerce extérieur de l’Allemagne qu’on augmentera sa capacité de paiement et qu’on lui facilitera, par suite, le règlement des dommages de guerre. M. Lloyd George a soutenu cette thèse avec beaucoup de force et il a ainsi fourni, par avance, à l’Allemagne les arguments dont elle se servira pour poser devant la Conférence européenne la question des réparations. Nous aurons grand’peine, désormais, à empêcher que les vaincus et les neutres ne se croient autorisés à engager, par des voies obliques, un débat sur les clauses essentielles du Traité de Versailles.

Mais, pour relever le commerce extérieur de l’Allemagne, M. Lloyd George s’est bien gardé de proposer que les nations qui s’étaient jadis glorifiées de leur fidélité aux doctrines du libre échange ne s’entourent pas aujourd’hui d’une muraille de Chine. Non. Il n’a point celé que l’Angleterre n’était pas disposée à ouvrir largement son marché ; elle a d’innombrables chômeurs ; elle souffre d’un mal qui lui était jusqu’ici inconnu ; elle ne désire pas laisser entrer chez elle une grande abondance de produits allemands. Mais n’y a-t-il pas la Russie ? Voilà longtemps que M. Lloyd George frappe à la porte de la République des Soviets. Il y a frappé, d’abord, sans succès, pour le compte de l’Angleterre. Ne pourrait-on y frapper maintenant, tous ensemble, pour le compte de l’Allemagne et même pour le compte de l’Europe entière ? Sans doute, les bolchévistes ont des idées contestables et des méthodes fâcheuses. Mais les Turcs, eux aussi, n’ont-ils pas commis quelques méfaits ? Et pourtant M. Briand n’a-t-il pas mis sa main dans la main des Turcs ? Il suffira, concluait M. Lloyd George, que nous prenions certaines précautions pour éviter la contagion. Nous préviendrons franchement la Russie que nous ne traiterons avec elle que si elle est prête à respecter les principes communs des nations