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créée n’a pas été sans rendre des services. Mais avec la conférence de Gènes, nous plongeons dans l’inconnu. M. Lloyd George se propose-t-il de détourner les exportations allemandes de la Grande-Bretagne et d’ouvrir au Reich de larges débouchés dans les plaines de Moscovie ? S’il en est ainsi, il procurera, sans le vouloir, à l’Allemagne la victoire qu’elle a vainement cherchée sur les champs de bataille et que, du reste, elle était à la veille d’obtenir sur tous les points du globe, le jour où, dans l’espoir de brûler les étapes, elle a eu la folie de déclarer la guerre. Relisons les beaux livres de M. Charles Andler sur le Pangermanisme et de M. Henri Hauser sur les méthodes allemandes d’expansion économique. Nous y retrouverons exposé tout ce qui se passait avant-hier et tout ce qui recommencera demain, si nous nous chargeons nous-mêmes de relever l’Allemagne. Nous reverrons le Deutschtum employant les mêmes moyens, à l’étranger, réorganisant ses services de renseignements, ses consulats, ses agences, son espionnage commercial ; nous reverrons l’Allemagne exportant, non seulement ses produits, mais ses usines elles-mêmes, cherchant à conquérir partout la prépondérance industrielle, accaparant les matières premières, extériorisant le système du dumping, appliquant en un mot, dans son développement économique, sa vieille théorie nationale du Deutschland über alles. C’est alors qu’en Angleterre se multiplieront les chômeurs et que M. Lloyd George regardera avec effroi l’éclosion des œufs qu’il aura couvés.

D’autre part, toutes les garanties que réclamait, à juste titre, M. Briand, ont-elles été prises vis-à-vis des Soviets ? On peut croire, à certains signes nouveaux, que la Russie bolchéviste est en pleine évolution. Depuis que le gouvernement a autorisé le commerce, au mois d’août dernier, un certain nombre d’entreprises se sont formées ; il s’est même constitué, notamment pour l’exploitation des régions boisées qui avoisinent la Mer blanche, des trusts autonomes, régis par des conseils privés. Lénine est allé jusqu’à rétablir une Banque d’État, qui a toutes les apparences d’un établissement capitaliste ; et il n’est pas impossible que la révolution russe finisse, tôt ou tard, par s’embourgeoiser ; certains amis de Lénine, dédaignant déjà l’évangile communiste, réclament le rétablissement de l’héritage. Mais, pour le moment, la Russie n’en reste pas moins dans un état voisin de la sauvagerie primitive. La plupart des usines sont démolies ou fermées ; les chemins de fer ne fonctionnent que très irrégulièrement ; le pays produit peu et manque de tout. La Banque, organisée par Lénine, n’a pas le droit d’émission, parce que le