visage qui aujourd’hui est vraiment son visage, celui qu’elle a tant désiré, sans pouvoir l’obtenir.
Elle savait que la mort était une victoire, mais pas aussi grande.
Immortelle, toujours elle est radieuse dans la mort, et le vent du vol funèbre ne la déracine point.
La chair était son fardeau, et voici qu’elle est son ravissement.
Le sang était son trouble, et voici qu’il est son miracle.
La vie était sa limite, et voici qu’elle est sa liberté.
Elle est emportée par le corps, comme par la fougue d’une beauté créatrice.
Pas une tête de confesseur ni de martyr sur le billot ne fut aussi belle que cette tête sur ce bord fragile de l’abîme matinal.
Pas un aigle blessé ne fut aussi fier d’ensanglanter la lumière au battement de ses plumes.
Ce sang étincelle pour l’éternité comme le lait de la déesse blanchit pour l’éternité le ciel nocturne.
Voici la terre, voici le but.
La dernière goutte s’est perdue dans le grondement du vol.
Sur les ailes intactes, le pilote héroïque rapporte à la patrie le corps exsangue du poète sacrifié.
La nouvelle est prompte comme la foudre, lointaine comme la mémoire d’une geste.
Tous les rivages de l’Italie en frémissent comme les bords de ses drapeaux.
La gloire s’agenouille et baise la poussière.
Qui a représenté les aveugles comme des voyants tournés vers le futur, comme des révélateurs de l’avenir ?
De même que Tirésias plongeait sa bouche de devin dans le sang du bélier noir égorgé sur la fosse, ainsi, depuis bien des nuits, je bois mon sacrifice ; et je ne vois pas le futur et je ne vis pas dans le présent.
Seul, au contraire, le passé existe, seul le passé est aussi réel que le bandage qui m’enveloppe, aussi palpable que mon corps crucifié.
Je sens l’haleine et la chaleur de mes visions.
Dans mon œil blessé se reforge toute la matière de ma vie, toute la somme de ma connaissance. Il est habité par un feu évocateur, continuellement en travail.