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la date du 1er septembre 1335 (1919), il y eut encore des échanges de vues entre les chefs du mouvement anatolien et le gouvernement de l’Empire. Mais le fait à retenir, c’est qu’à cette date, le Congrès national des provinces d’Asie soumet au Sultan ses résolutions, s’en remet à lui du soin de constituer un gouvernement digne de la confiance du peuple, et reconnaît à ce gouvernement la prérogative de réunir les comices électoraux dans tout l’Empire ottoman. A vrai dire, les Unionistes ne se préoccupaient alors que de faire les élections en Asie, et ils étaient seuls à savoir comment on les fait. Moustapha Kemal s’en rendait compte, et différait autant qu’il pouvait un acte qui eût, du même coup, signifié la rupture complète avec Constantinople et probablement assuré l’avantage à une tendance politique contre laquelle il avait toujours lutté.

Mais Damad Ferid songeait bien à faire des élections ! Le silence et l’inaction de Stamboul rendaient chaque jour plus difficile la situation de Moustapha Kemal. Force lui fut de se rendre au désir expressément formulé par le Congrès de Sivas, et d’inviter les provinces de l’Asie-Mineure orientale à choisir leurs députés. Les élections se poursuivirent lentement, irrégulièrement, pendant plusieurs mois. Entre temps (20 octobre 1919), Damad Férid avait dû céder le pouvoir au maréchal Ali Riza Pacha : mais ce changement n’eut aucune conséquence, touchant la situation respective de l’Anatolie et de Constantinople. De leur côté, les Anglais, qui avaient de nombreux agents en Asie-Mineure, s’efforçaient d’arrêter les progrès du mouvement nationaliste, en suscitant des révoltes à Sivas, à Malatia et parmi les Kurdes du Dersim. Le seul résultat de cette politique fut de fortifier les Unionistes, qui prirent prétexte des troubles pour justifier des mesures de surveillance rigoureuse, et presque de terreur. Les opérations électorales furent placées sous le contrôle des militaires ; la plupart des chrétiens renoncèrent à voter, ou en furent empêchés ; beaucoup de Kurdes s’abstinrent. La plupart des élus étaient, comme par hasard, des unionistes intransigeants et fanatiques. Le fameux comité de Salonique, irresponsable et tout-puissant, allait-il ressusciter en Asie ? C’est précisément ce que Moustapha Kemal ne voulait point.

Le coup de force du 16 mars 1920 semble avoir produit en Asie un double résultat : il amena, comme nous l’avons vu,