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Kemal Pacha et les patriotes à protester contre la double excommunication, civile et religieuse, lancée par le Sultan-Calife contre les « rebelles » d’Anatolie, et à refuser eux-mêmes au Gouvernement de Constantinople toute autorité légitime ; mais il inspira aux Unionistes encore plus de peur que d’indignation. Les Anglais n’étaient-ils pas désormais les maîtres absolus de la situation ? ne fallait-il pas songer à se rapprocher d’eux ? Il y eut un moment d’hésitation, de confusion, dont Moustapha Kemal sut profiter. Le 25 mars, il donnait lui-même l’ordre d’arrêter les officiers anglais de la mission de contrôle ; le 29, sous prétexte qu’un certain nombre de députés ne pouvaient pas rejoindre, il ordonnait de procéder à de nouvelles élections. La Grande Assemblée Nationale qui en serait issue devait se réunir à Angora, où siégeait désormais le gouvernement nationaliste.


LE GOUVERNEMENT D’ANGORA. — ORIENTALISTES ET OCCIDENTALISTES

Le 23 avril 1920, l’Assemblée nationale turque inaugurait ses travaux par des prières solennelles, et choisissait aussitôt dans son sein les membres d’un « Grand conseil de Gouvernement, » chargé d’exécuter ses décisions souveraines. Entrèrent dans le Conseil, avec Moustapha Kemal, Djelaleddine Arif, le Grand-Chélébi de Konia, chef religieux des Derviches, le Cheik des Alévis, Djomaleddine Bey, etc.. Le premier acte politique de l’Assemblée fut de déclarer la guerre aux Anglais. Il semble que, pour justifier cette décision, les dirigeants d’Angora aient fait état d’une prétendue convention, qui aurait été passée à Constantinople le 12 septembre 1919 entre les représentants du Sultan et ceux du gouvernement britannique, et aux termes de laquelle l’Angleterre, pourvue d’un mandat général sur l’Empire ottoman, exclusivement chargée de la garde et du contrôle des Détroits, investie enfin de droits souverains sur la Syrie et sur la Mésopotamie, s’engageait à garantir l’indépendance de la Turquie et à prêter au Sultan son appui contre les entreprises des nationalistes rebelles. J’ai eu sous les yeux le texte de ce document : il est très probablement apocryphe. Un journal parisien l’ayant publié plus ou moins exactement au lendemain des incidents suscités par l’accord franco-kemaliste du 20 octobre 1921, le gouvernement de Londres en a nié l’authenticité.