Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/573

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accusateurs du ministre leurs meilleurs arguments, consacre le triomphe de son parti dans un article-programme publié le 11 mai par le Yéni-Guné, sous ce titre caractéristique : Orient ou Occident ? Les ambitions et les convoitises de l’Europe occidentale, — déclare Yonous Nadi, — sont incompatibles avec le but que poursuit la Turquie. Malgré l’état de misère où il est réduit, l’Occident refuse de reconnaître l’indépendance des Turcs : tant qu’il ne sera pas acculé à une impasse, il s’obstinera à nier la réalité. Tout autre est la politique orientale, celle qui a pris naissance au lendemain de la grande révolution russe. Celle-là est une politique mondiale qui vise à renverser en même temps le capitalisme et l’impérialisme. Elle pénètre lentement jusqu’aux nations musulmanes, qui sont les plus misérables victimes de l’impérialisme européen. Le journaliste d’Angora réfute en passant l’objection tirée de l’antagonisme traditionnel entre la Russie et la Turquie et de la confusion que le gouvernement de Moscou cherche à établir, avec une arrière-pensée d’intérêt et de conquête entre les principes sociaux et la politique. « Mais tranquillisons-nous, — répond Yonous Nadi, — les Russes ont fait des progrès, et actuellement nos relations avec eux sont fondées sur le respect mutuel de l’indépendance et de la vie nationale. » Entre l’Occident et l’Orient, la Turquie peut-elle hésiter ? L’Occident méconnaît ses droits et s’efforce de l’écraser ; l’Orient lui tend la main et s’offre à combattre avec elle l’ennemi commun. » L’Europe est un édifice dont les fondements sont ébranlés. Elle ne peut plus faire un mouvement sans qu’apparaissent, sous ses ambitions, les faiblesses et les misères qui la rongent. L’énergie persévérante de notre nation, la force irrésistible de la politique orientale contraindront tôt ou tard à l’obéissance ce vieux monde occidental, affaibli et prêt à s’effondrer. »


L’INFLUENCE BOLCHÉVISTE. — ANGORA ET MOSCOU

Il n’est pas difficile de reconnaître, dans les idées et jusque dans le style de ce morceau, une inspiration étrangère : ne dirait-on pas que Yonous Nadi écrit sous la dictée de Tchitchérine ? La politique à laquelle il prétend associer les nationalistes turcs, c’est évidemment la politique des Soviets. Comment deux nations que séparent, plus encore peut-être qu’une rivalité séculaire, leur race, leur religion, leur civilisation, leur