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de la rue du Mont-Parnasse, même d’en diriger l’exécution.

Mercier est honnête, ordonné, consciencieux, mais aussi susceptible, entêté, difficile d’humeur. Il a dressé ses plans, arrêté ses devis, et n’entend plus rien y changer. Da son côté, Augustin Thierry se montre exigeant, formule des prétentions jugées inacceptables par le vétilleux constructeur. Il s’ensuit entre eux des piques, des tiraillements, force incidents désagréables qui manquent d’aboutir à la brouille complète. Acrimonieuses ou plaintives, les doléances contre Mercier remplissent les lettres expédiées à Locale, et Mme de Belgiojoso a fort à faire pour rétablir entre les deux ennemis un accord bientôt rompu.

L’achèvement des pavillons pâtit de cette mésentente. Celui de l’historien doit être terminé pour juin et c’est à peine si les murs commencent au printemps à s’élever du sol.

Lorsque Donna Cristina regagne Paris à la fin d’avril, elle trouve « son frère » tout énervé de ces longs retards et, pour calmer son agitation, l’emmène passer l’été, près de Montgeron, aux Camaldules d’Yerres.

Elle rentre en France, toute soulevée d’enthousiasme. Le rêve de sa vie va-t-il enfin s’accomplir ? Depuis 1840, la stagnation politique est complète en Italie, mais les signes d’un réveil prochain commencent d’apparaître aux yeux avertis. En Lombardo-Vénitie, au Piémont, les colères grondent contre l’Autriche, les relations se tendent entre Vienne et Turin, où l’on commence à parler guerre. L’avènement de Pie IX galvanise libéraux et réformistes, enflamme à nouveau leurs espoirs. On prête au nouveau Pontife l’intention d’appliquer les idées exposées par Gioberti dans son livre de la Primauté, et, de Venise à Naples, la Péninsule acclame le Pape-libérateur.

La « savante Uranie » se rend compte cependant que, réduits à leurs seules forces, Charles-Albert et même Pie IX restent voués à l’impuissance. L’appui qui affranchira l’Italie doit lui venir de l’étranger et cet appui, elle a pu se convaincre aussi que ni Louis-Philippe, ni son gouvernement ne le prêteront jamais. Elle se résout donc à le demander à l’Angleterre et c’est la voix puissante de Disraeli qu’elle ira tout d’abord implorer.

Augustin Thierry avait autrefois approché le grand Orateur tory ; bien que sans grande illusion sur le résultat probable de cette tentative, il lui recommanda chaudement la visiteuse et sa démarche :