Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/606

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« Monsieur et ami,

« Je profite avec empressement d’une occasion bien agréable de me rappeler à votre souvenir. Une personne dont le monde vous a dit la haute distinction et dont j’éprouve chaque jour la parfaite bonté, Mme la princesse de Belgiojoso, va passer quelques semaines à Londres.

« Elle désire vous parler de l’Italie qu’elle aime en patriote et à laquelle, vous aussi, vous devez quelque chose. Maintenant que votre grande crise intérieure est vidée [1]...


«... Si Pergama dextra,
« Defendi possint...


« n’allez-vous pas vous tourner parfois vers les questions extérieures ? Un discours dans le Parlement anglais, et un discours de vous, monsieur et ami, est une puissance qui peut abattre ou relever.

« De ce côté-ci du détroit, nous nous sommes remis à espérer un peu de soulagement pour le pays le plus noble et le plus malheureux. Ah ! si l’Angleterre et la France voulaient s’entendre cordialement là-dessus ! Lord Palmerston aurait là une belle occasion pour se blanchir et pour mieux appliquer sa finesse diplomatique de 1840.

« Et la pauvre Irlande ? Ne vous joindrez-vous pas à ceux qui veulent qu’elle puisse vivre enfin de la vie commune des nations civilisées ? Je l’ai aimée, il y a vingt-cinq ans, comme si j’eusse été l’un de ses fils. Je me souviens qu’en parcourant les tristes pages de son histoire, il m’arrivait de prononcer tout haut la devise nationale si touchante : Erin mavournîn, Erin go bragh !

« Pardonnez-moi, monsieur et ami, ces divagations rétrospectives et veuillez agréer l’expression de ma haute estime et de mon entier dévouement. »

La princesse demeura six semaines à Londres, sans rapporter autre chose que de vagues assurances et, de retour aux Camaldules en octobre, se hâta de boucler ses malles à destination de Milan.

Ce départ laissa cette fois l’infirme sans étonnement et presque sans tristesse. Le labeur assidu qu’il poursuit sans

  1. L’agitation libre-échangiste qui aboutit à l’abrogation de la loi sur les céréales.