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elles leur laissaient une certaine liberté, dont ceux qui habitaient le voisinage profitaient même souvent pour rentrer chez eux. Le système actuel, qui implique la clôture des gares de midi à deux heures, fait que les expéditions sont singulièrement ralenties. Des colis en grande vitesse mettent trois ou quatre jours à arriver à destination. Certains grands magasins parisiens ont renoncé à solliciter des commandes de fin d’année en province : à cause de la lenteur des envois, elles ne pouvaient pas garantir à leur clientèle qu’ils leur parviendraient avant le 1er janvier. Une de nos compagnies affirme qu’il lui faut 15 000 wagons de plus du seul chef de ce ralentissement des chargements.

Les calculs du temps compté comme travail sont abusifs : quand certains poseurs de la voie ont un trajet de plus de deux kilomètres à effectuer pour se rendre au lieu de leurs occupations, on leur paie le temps qu’ils mettent à venir et on le compte à raison de 15 minutes le kilomètre. Ici encore, ces dispositions ont eu pour effet d’augmenter brusquement le nombre des ouvriers, dont le recrutement est d’autant plus difficile et la qualité d’autant plus médiocre. Les voies sont moins bien entretenues qu’autrefois, ce qui a contribué à la plus grande fréquence des accidents.

La loi, étroitement ou plutôt inexactement interprétée, a obligé les compagnies à ne pas compter les heures de travail, mais les heures de présence. Sur des lignes à faible rendement, il a fallu de ce chef doubler le nombre des agents : si par exemple un train passait à six heures et le suivant à dix-neuf heures, deux équipes étaient nécessaires, alors même que dans l’intervalle le calme fût absolu. Dans le service de l’entretien de la voie, les agents travaillent peu en hiver ; ce temps perdu était jadis regagné dans la belle saison, de sorte qu’ils travaillaient en moyenne dix heures par jour. Désormais, ils sont toujours payés à raison de huit heures, même s’ils n’en font que cinq ou six. Pour la traction, chaque mécanicien entretient sa machine et reçoit une prime sur l’économie de houille ; le temps de service étant réduit, il a fallu plus de mécaniciens et plus de locomotives. Les Compagnies ont dépensé 2 milliards de francs à acheter au dehors des machines aux plus hauts prix, à bâtir des remises pour les machines, des logements pour le personnel ; il a fallu organiser ces installations sur les divers points