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de l’homme, elle est commandée par les éléments qui se rient des prescriptions du législateur : c’est le soleil, la pluie, la chaleur, la sécheresse, l’avance ou le retard de la germination, de la floraison, qui dictent les occupations du campagnard. Comment assujettir les efforts, qu’il doit soudainement faire à des époques impossibles à prévoir et pour une durée essentiellement variable, aux articles d’un règlement d’administration publique ? Il convient d’écarter les tentatives de mise en discussion du problème de la main-d’œuvre agricole par la question préalable, en invoquant le texte même de l’article 427 du Traité de Versailles.

Un débat s’est engagé le 1er décembre 1921 à la Chambre des députés sur la question de savoir si la Société des Nations était compétente ou non pour connaître de la question. L’article 427 ne parle que des communautés industrielles comme devant « appliquer des méthodes et des principes pour la réglementation des conditions du travail. » Néanmoins, le gouvernement français, par son mémoire du 13 mai 1921 [1], paraissait avoir admis la compétence du Bureau international du travail, tandis que, le 7 octobre de la même année, il a non seulement soulevé la question d’opportunité, mais fait des réserves sur la compétence. Il est ainsi revenu sur une première démarche qui avait certainement dépassé la portée du Traité de Versailles.

Nous ferons d’ailleurs remarquer que, si on en arrivait, dans une hypothèse qui nous semble devoir être exclue, à réglementer le travail agricole en France, la loi ne s’appliquerait qu’à un petit nombre d’individus. Que nous apprend en effet la statistique ? D’après le recensement de 1911, notre population agricole comprenait 8 531 000 personnes, dont 5 220 000 patrons propriétaires, fermiers, métayers, patrons, jardiniers et 3 290 000 employés et ouvriers. Dans cette seconde catégorie se trouvent 2 400 000 individus dénommés « ouvriers journaliers agricoles, » qui sont en réalité de petits propriétaires exploitant leur terre et travaillant chez autrui pendant le temps où leur modeste domaine ne les occupe pas : ce sont des salariés d’occasion, dont le caractère distinctif est de posséder une parcelle du sol et d’échapper en conséquence à toute réglementation du travail. Il ne reste dès lors que 890 000 salariés proprement dits, savoir 745 000 domestiques agricoles, 30 000 charretiers, 115 000 ouvriers

  1. Cité par M. Queuille à la tribune de la Chambre des députés, le 2 décembre 1921.