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sous des tissus colorés comme les prairies de mai, reposent en leur sommeil éternel les saints Seigneurs Dou-Médine d’Andalousie et Ab-el-Salem le Tunisois. D’énormes cierges cantonnent leurs tombeaux sur lesquels les verrières des coupoles, traversées du soleil, répandent un glorieux arc-en-ciel. Remplis de terre de la Mecque, quelques œufs d’autruche, rapportés du grand pèlerinage, se balancent sur ces « Sidis « vénérés.

A gauche, un étroit escalier aux céramiques bleu de paon, permet de descendre dans une cour de poupée, aux marches et entablements réduits à des dimensions de jouets.

Au centre, fleurit un rosier écarlate. Lassé de prier Bou-Médine dans l’ombre colorée de la coupole, un fidèle descend respirer l’air sous cet arbuste dont il porte à sa bouche les roses et mâche voluptueusement les pétales. Sur l’autre côté de cette chapelle, un escalier de marbre sous une voûte aux stalactites de stuc, conduit à une vaste cour au pavage vert, jaune et blanc. Supportée par quatre colonnettes d’onyx, la fontaine aux ablutions rituelles y pleure, jour et nuit, et le tintement cristallin des gouttes dans la vasque rafraîchit les oreilles. Sous ses ténébreux plafonds de cèdre, l’intérieur de la mosquée s’aperçoit à travers son quinconce de piliers. L’encens et le benjoin embaument l’air. De l’azur radieux de la cour des abeilles descendent en averse d’or. Elles pénètrent dans la nef, mais, effrayées par ses ténèbres, elles en ressortent aussitôt. Le bruissement de leurs ailes vibrantes se mêle au bourdonnement confus des prières. A la base des colonnes quelques blanches statues humaines qui, jusqu’alors, conservaient l’immobilité des œuvres de l’art, s’animent, se balancent doucement comme des arbres soufflés par la brise. Tout à coup une psalmodie véhémente s’élève et, comme sous l’effet d’une tempête, ces fidèles tombent en avant, tournés vers un « mirhab « dont l’hémicycle aux majoliques persanes reluit comme un grand œil bleu à l’ombre des voûtes.

A ce moment, un musulman gras et onctueux, aux prunelles de jais dans un visage de cire rose, que couronne un turban immaculé, nous fait une révérence à l’orientale : son sourire découvre ses dents ; ses mains écartent les pans de son burnous neigeux et, vraiment, il semblerait, en sa courtoisie, que ce cheick veuille nous embrasser. Le professeur Tahar le présente :

— Si El-Djamii, le pieux conservateur de Sidi Bou-Médine.