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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/684

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d’un tamtam, cette femme-enfant le balance en chantant. Contre un seuil, peint d’ocre rouge, une jeune mère berce un nourrisson emmailloté de bandelettes comme une petite momie ; elle le pose sur le sol, telle une quille, et le laisse verser sur son coude en riant avec des roucoulements de colombe. A l’autre extrémité de cette cour, le père accroupi, ses lainages drapés autour de lui en vagues de crème, joue d’une flûte arabe, maintient une note plaintive et rêve, le front au ciel.

Dans la plus vaste cour d’une demeure voisine, un nègre d’une noirceur de poix semble faire un trou de sa personne dans la muraille éblouissante. Ce domestique panse un cheval dont il démêle avec amour la queue soyeuse comme la chevelure d’une jeune fille. Près de lui une négresse en tunique bariolée souffle le feu d’un « kanoun « <ref> Fourneau de terre primitif. /ref>. Agenouillées devant de larges plats de bois, deux vieilles servantes roulent sous leurs paumes la semoule afin de préparer le grain du couscous Le maître de ce logis, opulent personnage à triple menton, assis sur le bord de son puits, embrasse son fils au petit crâne rasé, bleu comme l’azur.

De l’entassement de tous ces cubes de maçonnerie dont le ramas forme la ville de Nedromah, une maison plus pompeuse que ses voisines, les dépasse. Elle a dans le désordre de sa construction quelques prétentions à l’architecture. Une galerie à rampe de bois court le long d’un étage en encorbellememt sur une cour profonde d’où s’échappe le rythme allègre des pilons. Ce tapage seul renseignerait sur l’importance de ses habitants, car les humbles ménages ne peuvent faire retentir, chaque matin, les mortiers de cuivre où se préparent les fards de la toilette et les poudres de la cuisine. Ce soir, nous pénétrerons dans cette grande bâtisse qu’habitent Chadli Ben Chéiia et son fils le caïd.

Deux femmes aux cheveux nattés dans des foulards cramoisis surgissent derrière le petit mur qui sert de garde-fou à l’une des terrasses de cette vaste demeure. Comme des chattes qui redoutent quelque chien dévorant, ces musulmanes tournent des yeux craintifs autour d’elles ; sans doute assurées qu’aucun homme ne pourra les apercevoir, prestes et hardies, elles sautent, un bras ramené sur leurs visages bistrés. Leurs hanches